La Fée Pourquoi-Pas

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mercredi, 5 décembre 2018

La Fée Pourquoi-Pas

« Sur le niveau éducatif supérieur,  la justice est véritablement spirituelle, car elle essaie de faire atteindre le maximum de ses possibilités à chaque enfant. La justice, c’est donner à chaque être humain l’aide qui peut lui permettre d’atteindre sa pleine stature spirituelle, et seconder son esprit au moment où ses énergies peuvent lui permettre d’atteindre cette stature.  Ce devra être là l’organisation future de la société. Rien ne devra être perdu de ces trésors spirituels, en comparaison desquels les trésors économiques sont de peu de valeur. Que je sois riche ou pauvre, peu importe ; si je puis atteindre ma pleine personnalité, le problème économique se résoudra de lui-même. »

 

Maria Montessori (1959)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

-Bonjour, Mamé !

 

-Robin ! Quelle belle surprise ! Tu ne travailles pas à l’atelier, cet après-midi ?

 

-Non, j’avais d’autres projets pour aujourd’hui… c’est pour ça que je viens te voir, d’ailleurs. Mais… je ne te dérange pas ? Tu n’as pas de formation de prévue ?

 

-Non, mon élève n’arrivera que plus tard, comme ça il m’aidera à faire la cuisine pendant la conversation.

 

-A ce propos, tu n’as pas besoin de bras ? Tu as déjà retourné la terre au jardin ?

 

-Voilà une bonne idée ! On va aller sous la tonnelle, tu peux m’avancer un peu, effectivement. Et on boira le sirop de sureau qui me reste de l’an dernier… bientôt la nouvelle saison !

Mais dis-moi, qu’est-ce qui t’amène, alors ? Je te sens préoccupé.

 

-Tu vois juste…

Tu sais que je m’intéresse de près à la période d’avant la fée Pourquoi-Pas. Mais elle me semble si difficile à comprendre ! Je me suis dit que tu pourrais m’y aider : ça serait utile à la transmission du savoir, je pourrais en faire un article.

 

-Oh la la… lointaine période que celle-là… vais-je encore savoir l’expliquer ? Elle me semble si irréelle.

 

-Moi aussi ! Et l’on raconte tellement de choses qui paraissent invraisemblables… Certains disent, tiens, que tu pourrais bien être la fée Pourquoi-Pas ?

 

-Et ça te fait sourire… je n’ai pas la prétention d’avoir déclenché un tel mouvement. Tu le sais bien : seul, on ne peut rien. C’est parce que tout le monde l’a décidé que cela a pu se faire.

 

-Tu fais référence au jour où les adultes ont enfin écouté le Conseil des enfants, c’est ça ? C’était une première, je crois…

 

-Oh, c’est bien avant ! De Conseil, pas l’ombre d’un, les enfants n’étaient consultés pour rien, pas même pour ce qui les concernait directement ! A part quelques assemblées enfantines, purement symboliques...

 

-Mais comment pouvait-on éviter de consulter les enfants, même individuellement  ? ça me paraît difficile : éviter cette conversation tout au long de la journée…

 

-Plus facile que tu ne le crois : adultes et enfants ne passaient pas leurs journées ensemble ! La discrimination par l’âge était la plus grande mais aussi la plus invisible en ce temps : personne n’en parlait jamais.

 

-Les enfants devaient bien en parler entre eux tout de même…

 

-Il aurait fallu pour cela en avoir l’occasion : leurs journées étaient tant encadrées que les seuls moments de détente étaient couverts de cris libérateurs… comment veux-tu discuter dans ces conditions ?

 

-Eh bien, ils pouvaient toujours s’écrire ! Ils avaient un peu de temps libre, tout de même ?

 

-Oui, oui, ils avaient du temps… libre, ça c’est une autre histoire. En ce temps-là, tu sais, c’est difficile à croire, mais le monde était gouverné par l’argent.

 

-Le métal ?

 

-Non, le symbole. On utilisait à l’époque une phrase très explicite : « le temps, c’est de l’argent ». Et certains ne s’y étaient pas trompés : les industriels, hommes de pouvoir, se chargeaient de donner à tous l’envie irrépressible et même l’impression de libre choix, pour effectuer certaines activités qu’ils avaient en fait eux-mêmes décidées.

Ainsi, enfants et parents suivaient des parcours pré-établis, les premiers utilisant de nombreux objets coûteux comme s’il en allait de leur vie (téléphone portable, jeux informatiques, communication virtuelle et culte des apparences, avec des habits hors de prix, toujours des symboles) et les seconds travaillant chaque jour davantage pour pouvoir offrir ce « droit » à leurs rejetons… droit d’entrée dans un monde d’apparences, droit de consommer, droit de posséder, droit de protéger et défendre ses possessions… c’étaient là parmi les premiers droits que l’on revendiquait à l’époque.

 

-Oh la la ! Tu vas trop vite ! Reviens un peu en arrière et explique- moi l’argent. C’était quoi ?

 

-C’était la monnaie, si tu préfères, sauf que l’argent, lui, avait le pouvoir de s’accumuler… il était presque devenu vivant ! Et tous les esprits, consentants ou non, étaient tournés vers lui.

 

-Je ne comprends pas comment c’était possible. Les hommes étaient faits différemment d’aujourd’hui ? Ils avaient des problèmes pour réfléchir ?

 

-Rien de défectueux en eux, non, juste un entraînement à penser à l’envers. Le bonheur était là, autour d’eux, mais leurs yeux ne savaient plus le voir… en fait, ils regardaient tous à travers un écran.

 

-Ah bon ? regarder un écran, je connais, bien sûr, c’est même la clé de beaucoup d’apprentissages et le lien entre les hommes éloignés, mais « à travers »… comment c’est possible ?

 

-C’est très possible, vois-tu, et c’est même aussi fascinant que facile… il suffit de diffuser un certain message et, sur une société bien préparée, un écran devient un véritable aimant.

 

-Mais c’est pas marrant de faire ça tout le temps ! ça fait mal aux yeux … ça engourdit la tête et le corps.

 

-On oublie son mal-être quand on rêve…

 

-Ah bon ? Ils rêvaient ? C’est ça la cause du problème alors, ils dormaient ?

 

-Je dis « rêvaient » mais ce n’est qu’une façon de parler, ils étaient bien éveillés… ils avaient juste… comme un voile, ou plutôt une cage de verre dans la tête.

 

-Comme le verre de l’écran ?

 

-Exactement. Le problème de voir la vie à travers un écran, c’est qu’on est condamné à rester en dehors, on n’en jouit jamais pleinement, on n’y participe pas activement : on reste passif, de son côté de l’écran. Oh bien sûr ils avaient pensé à tout, pour contrer l’effet ankylosant de la chose, ils commençaient même à créer des outils, devant l’écran, pour se donner l’illusion de participer, de vivre les choses, de faire de l’exercice… qui sait jusqu’où ils auraient pu aller sans la fée Pourquoi-Pas…

 

-Mais dis-moi, comment peut-on rêver sa vie à travers un écran ? Ils filmaient quoi, ces écrans ? On ne pouvait pas aller dans le monde qu’ils montraient ?

 

-On pouvait se rendre dans les endroits filmés, si, bien sûr, mais on n’y trouvait jamais ce qui était montré : ce n’était qu’une illusion, possible grâce à l’écran justement. Si les gens avaient pu parler aux acteurs de la publicité par exemple, ils auraient eu des réponses bien étonnantes… non, la belle fille qui vendait le soda n’en buvait jamais ! ça lui était interdit, si elle voulait continuer à rester mince pour la pub. Non, le bébé qu’on voit à l’écran n’est pas celui de la belle dame, et il ne passe pas tout son temps à sourire aussi joliment, il pleure aussi parfois, et des fois, même, il a le nez sale !

Bien sûr il y avait d’autres programmes que les publicités, d’autres jeux vidéos, des tas d’inventions super excitantes et attirantes… mais tout cela avait pour seul but de faire visionner ces fameuses publicités… qui n’étaient, finalement, rien d’autre qu’une illusion de perfection.

C’était comme si les gens avaient oublié que pour atteindre la perfection il faut se tromper ! Toute erreur était niée, occultée, méprisée. Seule comptait la perfection et son illusion de facilité.

 

-C’est bizarre… ils ne voyaient pas que c’était une illusion ?

 

-Forcément, dans la vie, cette perfection n’était pas atteinte… mais au lieu de leur ouvrir les yeux, cela ne faisait que culpabiliser les spectateurs et les entraîner à tenter de s’échapper davantage par l’écran. Et comme leurs yeux s’y habituaient petit à petit, qu’ils y passaient toujours plus de temps et que l’illusion devenait de moins en moins forte, ils fabriquaient des écrans de plus en plus grands… des images de plus en plus réelles.

On avait l’impression qu’ils cherchaient à retrouver une image aussi grandiose et majestueuse que la vie réelle, mais sans voir qu’elle était là, tout autour d’eux. Pour te dire, même lorsqu’ils avaient la chance de vivre un moment magnifique, ou d’assister à un spectacle éblouissant, dans la vraie vie, leur premier réflexe était de sortir une caméra ou un appareil photo ! Comme si revivre ce moment sur petit écran, plus tard, avait eu plus de valeur que le vivre au présent… comme s’il était certain qu’ils auraient l’occasion de revivre ce moment sur petit écran ! La vie était un éternel pari sur l’avenir, ils pensaient la posséder... mais je m’éloigne, j’en viens déjà à cette fameuse possession…

 

-Oui, je voudrais déjà comprendre : même en parlant aux personnes autour d’eux, ils ne se rendaient pas compte que c’étaient les mêmes qu’à la télé ? Ils ne se croisaient jamais ?

 

-Les personnes autour d’eux, même celles qui passaient à la télé _et elles étaient de plus en plus nombreuses, la recherche de cette illusion allant toujours plus avant_,  étaient toutes comme eux ! Tous couraient après la possession, et ne cherchaient que les moyens de l’atteindre. Seuls des esprits tout neufs auraient pu leur ouvrir les yeux.

 

-Oui ! Les enfants bien sûr ! Ils ne disaient rien ?

 

-Ecoute,  je sais que c’est difficile mais il faut essayer d’imaginer des adultes qui auraient rompu avec leur vie d’avant, leur enfance. Ça les avait rendus très tristes, aigris, et ça leur avait donné aussi la crainte des enfants, la peur de lire dans leurs yeux ce qu’on y avait perdu…

 

-Je vois, il y avait comme une frontière alors. Mais à quel âge se situait-elle ? Est-ce qu’elle était visible ? Il y avait des murs ? Dis-moi tout Mamé, n’aie pas peur, je préfère savoir.

 

-Les murs étaient invisibles… mais ils étaient solides. Aussi solides que cet écran était infranchissable. Le passage y était aussi impossible que de sauter dans la télé.

 

-Finalement, tu commences à m’inquiéter... les mères étaient tout de même tendres avec leurs enfants ?

 

-Ah, les bébés ! ça oui, c’était presque un culte, une adoration. On voulait tout ce qu’il y avait de mieux pour eux… ou plutôt ce qu’on s’imaginait qu’il y avait de mieux : ce qu’il y avait de mieux pour le bébé parfait, pour l’illusion de perfection que le bébé pouvait donner, de par sa nouveauté, son mutisme et sa malléabilité. Je ne te dis pas dans quelle détresse se retrouvaient souvent les jeunes mères en étant brusquement confrontées aux pleurs, aux régurgitations, parfois aux souffrances de leurs nourrissons, tous ces « détails » qui niaient en lui l’apparence de perfection qu’on voulait y voir.

 

-Mais un bébé est parfait tel qu’il est, avec le potentiel qui loge en lui et les capacités qu’il a à le développer !

 

-Je comprends ton étonnement et je suis d’accord avec toi, mais il faut te dire qu’à l’époque «perfection »  voulait dire propreté immaculée, bien-être permanent, beauté et vie éternelles, si on résume.

Et la recherche de cette perfection touchait tous les domaines : l’apparence physique (la chirurgie esthétique… drôle d’association de mots n’est-ce pas ?), l’état des objets possédés (on les changeait au moindre défaut, réparer devenait une action aussi rare que dénigrée), le ménage et la maison (mais là encore ce n’était qu’une apparence de perfection : là où la propreté immaculée prenait place, souvent des polluants très toxiques  en profitaient pour se glisser… mais tout ce qui n’était pas visible n’avait aucune importance ! ) et bien sûr les enfants… Ce qui se compliquait énormément au delà de la première année de l’enfance, tu l’imagines.

 

-Oui ! Le problème est que la seule perfection qui s’auto-entretienne et qui ne soit pas un esclavage, c’est la perfection de la Nature dans son ensemble ! Le seul endroit que l’on n’ait pas besoin de nettoyer c’est l’environnement naturel : pas de poussière au dehors ! Tout se nettoie et se recycle de soi-même.

 

-Encore faut-il pour cela se considérer comme une partie d’elle-même, s’admettre comme élément, seulement, d’un ensemble. Car seul l’ensemble est parfait, et uniquement par les particularités, les imperfections, en somme, de chacun de ses éléments ! Toute autre perfection n’est qu’illusion, un être ou un objet ne pourront jamais être parfaits, seul leur ensemble le sera.

Donnée bien impossible à intégrer dans une société aussi individualiste que celle-là…

Et c’est la même chose pour l’éducation. On ne peut, par la force, obtenir ce que la Nature fait d’elle-même : on ne pourra jamais forcer des enfants à être équilibrés, épanouis, instruits… ils ne le deviendront que si on les laisse être eux-mêmes.

 

-Les seuls que l’on pouvait à la rigueur voir entrer dans ce moule de la perfection figée étaient donc les bébés…

 

-Oui, mais à certaines conditions : le bébé était parfait tant qu’il restait une poupée. Certaines personnes assumaient d’ailleurs pleinement ce vœu et une industrie était née, qui fabriquait des poupées de bébés aussi réalistes que possible… et on les personnifiait, on tentait de leur insuffler la vie sans y parvenir évidemment…

Enfin je dis la vie, mais je m’aperçois en en parlant avec toi que ce n’était pas la vie qu’ils recherchaient, mais cette absence de vie qui les rassurait : pas la mort, non… la mort est la fin de la vie, elle en fait donc partie… mais bien l’absence de vie, son contraire… l’immobilité et l’éternité.

Mais ce n’était pas donné, et puis beaucoup de gens en ressentaient encore un malaise, peut-être justement parce qu’ils ressentaient cette absence de vie comme la pire des morts... bref, pour la multitude des autres parents, c’étaient les vrais bébés qui incarnaient au mieux cette illusion, et, pour ce faire, on les traitait comme des poupées…

 

-C’est glaçant ! J’espère mal comprendre. Une poupée c’est un jouet : on l’habille…

 

-Oui.

 

-On ne la porte pas en peau à peau…

 

-Non.

 

-On ne lui donne pas le sein, on ne dort pas avec elle…

 

-Non, on ne fait rien de tout cela, d’autant que les seins des femmes étaient réservés aux hommes (crois-moi si tu veux, montrer ses seins à la plage était « à la mode », mais allaiter un enfant en public soulevait des cris de pudeur effarouchée)… petit îlot de plus dans le grand archipel des possessions… on y reviendra.

On promenait les bébés dans des petites voitures spéciales, on les serrait dans des habits qui se devaient d’être toujours propres, d’où le calvaire de changes très fréquents, à la moindre tâche. On les faisait dormir seuls dans un lit avec une petite musique, une couverture et une tétine en guise de maman. Et devant les protestations de l’enfant, on conseillait de le laisser pleurer… jusqu’à ce qu’il abandonne… et l’on pensait alors avoir eu raison de faire ainsi, on pensait avoir « gagné »… c’est ainsi que les nouveaux-nés étaient mis au pas, il n’y a pas d’autre mot.

Pardon, mais je préfère changer de sujet, celui-là me retourne encore, après tout ce temps…

 

-Excuse-moi de te faire revivre ça, je sais que tu as dû te battre, comme beaucoup d’autres mères…

Je vais revenir au sommeil si tu veux bien : à quoi servait alors le grand lit-dortoir familial ?

 

-Ah… il fallait bien qu’on y arrive. C’est là que ça se complique, vois-tu, et en même temps cela va continuer de t ‘éclairer.  En ce temps là, le lit n’était conçu que pour deux personnes, les parents… et c’était l’endroit réservé à la sexualité du couple.

 

-Ah, d’accord. Et avec leurs autres partenaires, ils allaient où ?

 

-C’est qu’il était interdit de changer de partenaire ! Le mot « fidélité » avait à l’époque  un sens plutôt négatif… c’était la défense de partager sa sexualité avec qui que ce soit d’autre que son partenaire officiel, le parent de ses enfants généralement.

 

-Tu plaisantes ?

 

-Non, je t’assure. Je sais, c’est comme si on te disait de ne plus partager de repas avec quiconque hormis telle ou telle personne, mais c’est véritablement comme cela que se vivait la sexualité à l’époque.

 

-Et ça ne concernait que la sexualité ?

 

-Oui.

 

- Mais pour quelle raison ?

 

-Je pense que c’était en rapport avec le lien étroit qui unissait sexualité et parentalité, dans cette société. Pour te donner un exemple, en ce temps là le père c’était le propriétaire du spermatozoïde, pas celui ou ceux qui élevai(en)t l’enfant…

 

-Un père ? Le géniteur ? mais cela n’a rien à voir !

 

-Je le sais bien, mais une longue tradition avait laissé cette croyance. Et cela avait énormément de conséquences… et des graves.

 

-Lesquelles ?

 

-Eh bien, par exemple, cela donnait à un homme le pouvoir de s’approprier les enfants d’une femme, et donc cette femme, par un simple acte sexuel. La pire des choses qui en découlait, en temps de guerre particulièrement, c’était le viol.

 

-Le viol ? Qu’est-ce que c’est ?

 

-C’est le fait d’obliger une personne à avoir une relation sexuelle contre sa volonté.

 

-Mais pourquoi y obliger des gens ? Il n’y a qu’à marcher cinq minutes dans la rue pour trouver l’occasion de partager ce plaisir !

 

-Oh que non ! En ce temps, toute sexualité était bannie de la société, au grand jour en tout cas.

 

-Mais la sexualité est en nous, comme notre envie de manger ou de dormir… Comment peut-on la nier ? l’exclure ?

 

-C’est justement le problème : on ne le peut pas. Plus on la niait et plus elle envahissait les dessous de la vie, comme un monde parallèle qui ne dit pas son nom mais influence chacun de nos gestes.

 

-Tu veux dire qu’elle était enfermée et qu’elle cherchait donc tous les moyens de se libérer ?

 

-C’est ça ! Elle imbibait en quelque sorte chaque pore de la peau des gens et, ne trouvant que peu de sorties, explosait de temps en temps, par le viol par exemple… ou, plus couramment, elle polluait chaque geste du quotidien.

Les femmes au début, et puis les hommes aussi, un peu, sont devenus des objets de sexe potentiels : leur apparence, avant de traduire leur esprit, était jugée à l’aune du désir sexuel qu’elle provoquait ou non… Oh, il y avait un mot affreux à l’époque… attends que je m’en souvienne…

« sexy », c’est ça !

 

- ???

 

-Oui, et on l’entendait sans cesse ! Et c’était très dur, tu sais, d’être « sexy » : il fallait être jolie mais pas trop, s’habiller suggestif mais pas provocateur… se tenir d’une certaine manière, mais proscrire certaines attitudes, mouvements de bouche ou attitudes corporelles comme s’asseoir jambes écartées ou se pencher en avant…

De même, les poils étaient de plus en plus mal vus et certains mots aussi étaient jugés « vulgaires » dans la bouche d’une femme. Tout signe féminin d’animalité, d’imperfection, de bouillonnement vital et donc d’énergie sexuelle assumée, de virilité finalement, était proscrit, rejeté. Pas de mélange des genres, surtout !

 

-Attends, tu parles d’habits, mais c’était obligatoire ?

 

-Pour sûr ! Se montrer nu était puni par la loi. Et des conventions s’ajoutaient à ça, qui exigeaient de chacun de porter des dessous par exemple…

 

-Des quoi ?

 

-Des culottes quoi. Ne pas en porter était jugé comme très provocateur, pour en revenir à ça. Comme il n’y avait pas de signes clairs pour déclarer sa disponibilité ou son désir, on y incluait tout et rien, et se promener sans culotte, loin d’être un simple confort, aurait été jugé comme la plus forte des provocations ! Les filles devaient aussi mettre des soutiens-gorge, pour les mêmes raisons entre autres. Elles s’étaient habituées à cet inconfort, le considéraient comme normal, et même, quand la mode a été au « string », elles supportaient une ficelle entre les fesses à longueur de journée !

 

-Ma fée ! Ne pas connaître le plaisir de se promener peau nue …  je les plains ! Et j’ai déjà entendu parler de cette oppression des femmes : tu peux m’en dire plus ?

 

-T’en dire plus, ce serait tout te dire… tous les problèmes de cette société étaient liés.

 

-Eh bien dis-moi déjà pourquoi, alors qu’elles n’en avaient aucune raison, elles se sont soumises à ces contraintes ?

 

-D’abord parce que, de longue date, ces contraintes ont été inscrites dans les lois.  Les femmes n’ont, pendant longtemps, pas eu le droit de voter… pas même de rédiger un chèque sans l’accord de leur mari. Alors imagine, le droit de disposer de leur corps… quel scandale ! Elles étaient tout simplement au service et aux ordres des hommes.

 

-L’avant-dernier esclavage… c’est bien ça. Mais qu’en était-il des inter-sexes alors ?

 

-hmm… rien de tel n’était reconnu : tu étais homme ou femme, quoi qu’il advienne, quelle que soit la réalité.

 

-…

 

-Eh oui, cette distinction était extrêmement importante, tu le comprends, dans un monde où être homme ou femme impliquait autant de différences sociales !

Ensuite, les lois se sont assouplies dans le sens de l’égalité des sexes, mais ce ne fut que pour se resserrer davantage autour de la sexualité.  Tes choix et préférences dans ce domaine, non seulement faisaient souvent ta réussite sociale ou ton exclusion, selon, mais décidaient en plus de ton droit ou non, de te marier, d’adopter, etc.

On pensait en fait réussir à dompter la sexualité sous-jacente en la stigmatisant, en en faisant une aggravation de toute faute : forcer un enfant à manger était tout à fait admis, et à l'opposé le contraindre à un acte sexuel était un crime encore pire que les autres : un « crime sexuel ».

On n’avait pas encore compris que contraindre une personne, et surtout un enfant, était toujours une faute grave, qui pouvait avoir des conséquences sur sa vie future.

 

-Non ? Tu veux dire qu’on pouvait décider de certaines choses à la place des enfants ?  En dehors des contraintes de santé et de respect, je veux dire…

 

-Si tu savais… on avait même parfaitement le droit de les frapper… une fessée était un acte d’éducation comme un autre.

… Ne sois pas triste… tout cela est bien fini aujourd’hui, et le présent est la seule chose qui compte.

 

-Tu as raison. C’est une des premières choses que l’on m’a apprises d’ailleurs.

 

-Veux-tu qu’on reprenne un autre jour ? Tu as déjà bien travaillé en tout cas, viens t ‘asseoir un moment.

 

-Merci. J’aimerais continuer quand même, j’ai trop de questions qui se bousculent maintenant dans ma tête. Dis-moi, lorsque les femmes ont enfin été libérées par la loi, ont-elle rapidement pu faire ce qui leur plaisait ?

 

-Ce serait oublier le jugement pesant de la société. Elles étaient éduquées, dès petites, à leur vie future, consacrée à satisfaire un conjoint, se refuser aux autres, lui plaire à lui mais ne pas attirer ses semblables… agir comme une propriété vivante en somme, une conquête qui aurait eu en plus la responsabilité de sa propre défense.

Les belles histoires de princesses et de prince charmant n’étaient pas que des histoires, pour un grand nombre d’entre elles. Toute pulsion en dehors de ce cadre était aussi gênante qu’un vilain poil et à s’arracher comme tel. La femme ne devait pas être animale, en tout cas pas en dehors du fameux lit conjugal, elle devait être lisse et… parfaite, elle aussi, toujours dans la définition que je t’ai donnée tout à l’heure : éternellement belle, propre, image figée d’obéissance, rassurante en cette époque où l’on se refusait à regarder la mort en face de peur d’entacher sa vie… une vie tout sauf vivante, par conséquent.

 

-Encore cette « fidélité » contrainte… pourtant  on voit bien qu’on peut être fidèle à des idées, à des personnes, être toujours là pour elles, sans pour autant réfréner ses envies, qu’elles soient sexuelles ou autres ?

 

-Je sais bien… mais en ce temps-là on mélangeait un peu tout. Et puis, le fait que la société nie la sexualité comme un besoin naturel lui donnait un pouvoir : un acte sexuel obtenu d’une femme, c’était comme une victoire sur elle. Comme les femmes n’étaient pas autorisées par la société à avoir des envies sexuelles et à les assumer (trop animal !), lorsqu’on amenait une femme à un tel acte, on ne savait jamais vraiment si c’était de son plein gré ou bien si l’on n’avait pas été plus « fort » qu’elle, d’une façon ou d’une autre (tact, mensonge, manipulation, chantage, attrait du pouvoir et de l’argent…). Si bien qu’un acte sexuel valorisait l’homme qui l’avait « obtenu » et dévalorisait toujours la femme qui y avait « cédé ». De quoi brider ses pulsions naturelles, quand on était du « sexe faible », tu vois.

 

-Une victoire sur elle… alors qu’elle avait offert en partage un moment de plaisir…

 

-Offert est le bon mot, mais ce n’était pas juste un moment : en ce temps, elle se donnait elle-même, elle se livrait corps et âme à la personne élue, son acte sexuel était confondu avec sa personne, pas moyen d’y échapper. C’est sans doute pour cela qu’il était si tabou de faire payer ce genre de services. On niait la valeur intrinsèque de cet acte, il était donc indigne de faire payer quelqu’un en échange d’une faveur sexuelle. Le sexe n’avait pas d’équivalent-monnaie officiel, si tu préfères, on feignait de le voir comme un acte gratuit, un don de soi (alors même que l’on trouvait ça normal d’aller au restaurant et de payer pour ce service…) et toute tentative d’en faire autre chose était aussitôt punie de la perte de sa propre valeur personnelle, sa « vertu ».

 

-Ses vertus ? Mais un besoin, un plaisir ne sont pas des vertus !

 

-Le mot vertu avait un sens particulier… si tu partageais ta sexualité avec « n’importe qui », tu n’avais plus de vertu. Tiens, un peu comme à l’école : tu devais apprendre la théorie sans pratiquer (alors que, paradoxe, employeurs et maris souhaitaient des employés et des femmes « expérimentés ») et ainsi arriver vierge, mais informée, dans les bras de ton époux. Et par la suite tu devais garder tes envies et ton entrain, te montrer toujours plus attirante et attirée, toujours plus habile, alors même que tu n’avais le droit de pratiquer cela avec personne d’autre…

 

-Je ne comprends toujours pas comment une telle acceptation de  pouvoir était possible sans aucune contrainte « officielle » ou légale…

 

-Ah… sans doute cela avait-t-il aussi un fort lien avec la maternité.

Pour être une femme accomplie, il valait mieux être mère et, en particulier, tout enfant porté était une responsabilité à assumer. Des personnes étaient contraintes de garder et d’élever un enfant (sous peine d’être mal vues par la société, voire même de culpabiliser ! ) pendant que d’autres, ne pouvant procréer naturellement, attendaient toute une vie de participer à la grande mission d’éducation (ou plutôt, comme on le voyait à l’époque, d’être valorisées par la possession d’un petit être incarnant la perfection, d’avoir l’illusion d’éloigner la mort en possédant une jeune vie… Ça paraît dur mais, à leur décharge, c’était un sentiment plutôt inconscient), sans succès… toujours ces barrières, légales et sociétales.

Bref, chaque acte sexuel entraînant le risque d’une telle responsabilité, il valait mieux choisir son partenaire et s’y soumettre, car élever un enfant était déjà chose difficile, mais pour une femme seule c’était carrément le parcours du combattant, menacé par une épée de Damoclès… trouver un travail, partager des relations sociales, trouver aussi une personne relais en cas de maladie ou de faiblesse, toutes ces difficultés faisaient bien réfléchir avant d’agir… adieu la spontanéité ! et le bonheur qui va avec…

 

-Une personne relais ? Il n’y avait pas d’autre parent, d’aide-éducateur, si je comprends bien…

 

-Rien de tout cela, non, on ne pouvait pas désigner des co-tuteurs aussi facilement. Toute la responsabilité reposait sur la même paire d’épaules. Et même en couple c’était déjà pesant !  Être une mère au foyer et avoir à assumer un ou plusieurs enfants, 24h sur 24, jour et nuit donc, malade ou fatiguée… c’était non seulement un parcours très difficile, qui rendait ce doux moment comme une épreuve à passer, mais cela mettait en plus en danger la mère et les enfants. Moi qui ai eu des bébés qui ont souffert de nombreux mois d’un reflux gastro-oesophagien douloureux, je sais combien j’ai été proche de la fêlure, de l’énorme catastrophe, lorsque je tenais, épuisée moralement et physiquement, ces petits êtres hurlants dans mes bras.

 

-Quelle fragilité à ce moment clé de la vie… il faut que j’arrive à comprendre comment une société pouvait se mettre ainsi en danger…

Avoir une enfant était donc, avant tout, un accomplissement individuel, le moyen visible de juger de la réussite d’une femme en tant que mère, une tâche que l’on ne partageait donc avec personne d’autre ?

 

-Oui.

 

-Et le père en était forcément le géniteur ?

 

-Oui.

 

-Voilà qui explique assez pourquoi les hommes avaient un tel pouvoir sur les femmes… et je parie que la contraception n’était pas libre ?

 

-Libre en quelque sorte : reliée à l’argent, comme tout. Et au pouvoir du mari, qui n’était pas toujours d’accord … et le serpent se mord la queue.

 

-L’argent, on y revient…

Bon, il pouvait s’accumuler, d’accord, mais tout le monde en avait, tout de même ? Nous avons tous une valeur, donc nous avons tous un potentiel de monnaie en nous !

 

-La valeur… on n’en parlait pas trop. En fait, on parlait surtout de travail. Si tu n’avais pas de travail, tu n’avais pas d’argent, et donc pas de valeur. C’était le cas des chômeurs (je t’expliquerai), des vieux, des enfants… et même des personnes maternantes (pères ou mères au foyer) !

 

-Non ?! Avec le travail qu’elles font ?

 

-Oui, tu as bien entendu : on pouvait travailler sans gagner aucun salaire. Ironie suprême, on était même en « congé » parental  ! On pouvait aussi travailler en ne gagnant presque rien, ou au contraire ne rien faire d’utile et gagner énormément, car la paye n’était liée ni à l’utilité ni à la valeur (énergie, temps, potentiel créatif, potentiel en futurs adultes au service de la société) du travail… juste à son cours sur le marché.

 

-Ça se complique…

 

-Effectivement, on compliquait tout à loisir, c’est pour ça qu’il était si facile d’exclure les gens : si tu n’étais pas économiste diplômé, tu ne pouvais avoir aucune idée sur le sujet, si tu n’avais pas intégré telle grande école tu ne pouvais pas espérer prendre un jour une part quelconque aux décisions importantes de la société.

En revanche, il était un domaine, tu ne vas pas me croire, où tout le monde était jugé capable… essaie de deviner.

 

-Je ne sais pas ?

 

-Le domaine le plus important de tous, l’avenir de la société…

 

-Les enfants ?

 

-Oui ! Tout le monde, quasiment sans exception, était jugé apte à élever un enfant, dès lors qu’il avait la capacité biologique de procréer.

 

-Je rêve… pas d’éducation parentale ?

 

-Non.

 

-Pas de visites régulières devant le conseil interdisciplinaire « médecins-enfants-éducateurs » ?

 

-Il n’existait pas. La seule constante surveillée était l’état de santé des enfants… pour le reste, l’éducation du tout petit n’était ni surveillée, ni valorisée.

C’était même une cause supplémentaire de ségrégation des femmes : leur plus faible valeur sur le marché du travail tenait pour beaucoup dans cette « fatalité », qu’un jour ou l’autre elles auraient à « s ’arrêter de travailler », « perdre du temps dans leur carrière » , pour effectuer cette tâche vue comme ingrate, ou basse (car ouverte à tous, sans qualification), de porter, de materner, d’élever un enfant. En contrepartie, donc, on laissait aux parents une totale liberté d’agir en matière d’éducation, en dehors des « sévices » bien sûr, à la tête desquels les sévices sexuels, tu t’en doutes.

 

-ça devait leur faire un peu peur, ça, non ?

 

-Oui, et ça les influençait dans la manière de présenter la sexualité aux enfants… toujours ce serpent qui se mord la queue… je me souviens avoir moi-même commencé par expliquer aux miens que leur « zizi » et leurs fesses étaient des endroits très précieux, qu’il fallait y faire attention et les protéger particulièrement.

Comme si le reste de leur corps était moins précieux, lui, et pouvait être touché contre leur gré… quand j’y repense… quelle absurdité !

 

-Tu ne pouvais pas aussi facilement t’extraire de ces préjugés ! C’est normal. Mais, bonne fée ! Pourquoi les jeunes ne se rebellaient-ils pas ? Il était facile de cesser le travail partout, de faire grève…

 

-Tu oublies que les mineurs faisaient partie du troupeau des inutiles… Quel pouvoir veux-tu avoir quand on n’attend rien de toi ?! des petites choses aussi simples que les dessins animés _ tiens, il faudra que tu visionnes Pinocchio, un de ces jours, tu comprendras_ leur rappelaient sans cesse qu’on n’attendait qu’une seule chose d’eux : l’obéissance.

 

-Alors là, maintenant je ne vois vraiment plus comment la fée a pu changer tout ça. C’est un tel embrouillaminis de nœuds… c’est vraiment de la magie !

 

-Ah… la fée… Elle a dû savoir placer les petits grains de sable là où il le fallait. Et puis tu sais, ce monde allait à sa perte, il le sentait bien, les malheureux étaient de plus en plus nombreux malgré les promesses si bien faites par les dirigeants.

Même ceux qui disaient « on ne veut pas revenir à l’âge de pierre, on a gagné notre confort » ont fini par se rendre compte qu’il ne s’agissait plus simplement de cela, qu’au train où allaient les choses, ils n’auraient tout bonnement bientôt plus rien…

Il est vrai que malgré tout cela, malgré l’échec cuisant du capitalisme, on continuait de faire semblant de croire en des solutions basées sur le maintien de ce système sans issue… des demi-solutions qui n’auraient rien résolu du tout !

Il a bien dû en falloir, oui, des petits grains de sable, pour accélérer l’inversion de la balance. Mais elle penchait déjà fortement sous le poids de la misère ; les petites compensations de confort finissaient par peser de moins en moins face aux scandaleuses accumulations d’argent dont les nantis profitaient sans rien offrir en retour. Les gens ont fini par comprendre que, dans le combat qui se présentait à eux, se jouaient tout simplement leur vie et celle de leurs enfants.

 

-C’est vrai, tu m’as dit que c’était le nombre qui avait tout fait changer.

 

-Exact, où ça a commencé, c’est difficile à dire, mais, par-ci par-là, les parents de ma génération, malgré leurs grands parents élevés rudement et privés de tout confort, contre leurs parents comblés en retour et bercés par l’idée que le bonheur était lié à la consommation, ces jeunes parents, donc, ont commencé à regarder leurs enfants différemment.

Ils ont accepté le fait qu’on avait bridé leur enfance, ont jeté leur rancœur aux orties, et ont décidé, malgré tout, de faire à leurs enfants le plus beau cadeau qui soit.

Ils leur ont fait don de l’écoute : celle qu’on leur avait refusée.

Ils leur ont offert le respect et l’amour : ceux qu’on leur avait distribués au compte-goutte, au gré des punitions et des récompenses.

Ils les ont écoutés, regardés comme des êtres à part entière, les êtres les plus parfaits qui soient, non parce qu’ils étaient beaux, sages ou encore jeunes, mais parce qu’ils étaient les seuls à sentir encore palpiter au fond d’eux la vraie nature de l’homme.

Ce sont ces parents qu’on appelle encore aujourd’hui la génération du don.  Ils ont permis de transformer l’illusion de perfection figée en la recherche permanente du perfectionnement. Ils ont repris la direction de la vie.

 

-Lourd travail…

 

-Oui, travail qui pouvait ressembler à un sacrifice pour cette génération de parents ayant subi l’éducation à l’ancienne, et tentant de donner, sans les avoir vraiment reçus, l’écoute, l’attention et l’accompagnement respectueux vers l’autonomie.

Où trouver la source quand on ne nous y a pas baignés ? me diras-tu.

Eh bien dans l’espoir en l’avenir : c’était un travail fantastique, en fait, de se dire que potentiellement on allait donner naissance à une nouvelle génération d’adultes accomplis, épanouis, heureux et généreux… et qu’on allait tant apprendre d’eux, en retour !

 

-La génération du tournant…

 

-Oui, c’est bien elle. Mais leurs parents, seuls, n’auraient pas réussi. Ils ont d’abord su établir le dialogue autour d’eux, avec les professionnels de l’enfance par exemple, comme les enseignants…

Tiens, je me souviens, mon fils aîné n’avait même pas quatre ans, il ramenait son classeur d’école à la maison et déjà je voyais dans ses yeux, à la lecture de certaines pages, une crainte et même un dégoût mêlé d’incompréhension. On en a discuté, j’ai été moi aussi choquée par la correction apportée à un exercice où il fallait dessiner quatre pattes à des animaux.

En l’écoutant me raconter, j’ai pu comprendre sa vision des choses et connaître son ressenti. D’abord, comme il devait avoir du mal à se lancer (normal, quand on vole l’impulsion aux enfants en décidant pour eux de l’activité à accomplir, sans se soucier de celles vers lesquelles leurs besoins les pousseraient à ce moment là), la maîtresse a fait le premier animal pour lui. Première frustration, l’exercice n’était déjà plus le sien. Ensuite, deuxième animal, il réussit les quatre pattes. Il reçoit alors le conseil de les grouper deux par deux, pour être plus réaliste, et tente de l’appliquer pour le troisième animal, le mouton. Manque de précision, il fait malheureusement la paire arrière un peu trop au milieu… le mouton est bancal, il menace de tomber sur les fesses. Le petit garçon décide alors de lui rajouter une béquille salvatrice à l’arrière. Naissance du mouton à cinq pattes.

Bilan des courses : une feuille comportant la sanction « A -», ce qui signifiait pas totalement acquis, mais surtout, des rayures rouges tout le long de la patte centrale…

Qu’en avait-il retenu ? Que les pattes, c’est très compliqué, pas marrant du tout, et qu’il était incapable de bien les faire (ce qui était faux, bien sûr !). On lui aurait laissé un modèle, une feuille d’exercice en lui disant « si tu veux tu peux leur dessiner quatre pattes », il aurait fini par y arriver, ce jour là ou un autre. Avec une gomme il aurait pu se corriger lui-même. Au lieu de cela il gardait figée l’image de ce mouton à cinq pattes (comme disait son père, « elle y est toujours, cette patte, même barrée ! »), dont une lui rappelait, d’un rouge agressif, son échec, fixé sur le papier pour l’éternité… ou presque…

Mais cet échec, me suis-je demandé, est-ce vraiment le sien ? S’il n’a pas satisfait à l’exercice, c’est soit qu’il y avait mal été préparé, soit que cela tombait à un mauvais moment pour lui, soit qu’il n’en avait pas encore les capacités. Dans tous les cas, cet échec était celui de l’enseignant !

Chaque trait rouge sur une copie grave la preuve des échecs du professeur à enseigner une donnée, et dans mon exemple, cet échec était aggravé par le fait que la maîtresse avait barré la mauvaise patte ! Pour l’enfant, la patte en trop était la béquille ajoutée à l’arrière, non celle du milieu…

A quoi sert de figer une telle performance ? Certes elle prouve à l’enseignant qu’il reste du travail à faire dans le domaine concerné et c’est une occasion pour lui de noter son erreur et de parvenir ainsi à progresser. Mais, pour l’enfant, elle laisse dans son esprit une incompréhension totale, qu’il traînera comme un boulet tout au long de ses apprentissages futurs.

Maria Montessori l’avait pourtant dit bien longtemps auparavant : toute erreur est source de progrès, mais pour cela il faut avoir la capacité et la liberté de la déceler et de la corriger soi-même…

Pointer l’erreur d’un enfant, c’est facile, mais ce n’est pas ce qu’il demande : ce dont il a besoin, c’est d’un moyen de la repérer lui-même, de la réparer pour pouvoir la surmonter, la prochaine fois.

 

-Dis-moi, cette « maîtresse » (c’est l’équivalent des guides d’aujourd’hui, j’imagine), elle avait de bonnes appréciations de la part de ses élèves ?

 

-Oh, je ne peux pas te répondre : les professeurs, vois-tu, n’étaient pas évalués par leurs élèves… il fallait quelqu’un « au-dessus » d’eux, pour cela, un inspecteur. Peu de monde aurait songé à « se pencher » vers les enfants pour en apprendre quelque chose !

 

-Alors forcément, ça devait tourner en rond…

 

-Eh oui… et l’exemple que je viens de te donner est très léger par rapport à bon nombre de pratiques qui avaient encore cours… là, il s’agissait d’une enseignante à l’écoute, d’esprit ouvert. Elle répondit d’ailleurs très favorablement à la lettre que je lui adressai. Il en naquit une des nombreuses et fructueuses collaborations et réflexions qui animèrent les esprits à ce moment là.

Et, tout doucement, au rythme d’un enfant qui grandit, l’éducation respectueuse s’est fait sa place. La tendance s’est inversée : ce sont les parents et les professeurs irrespectueux des enfants qui ont commencé à être montrés du doigt !

Les parents, étant de plus en plus nombreux à connaître le « désemploi », menaçaient de garder leurs enfants à la maison en cas d’éducation liberticide, et ce poids grossissant a fini de faire pencher la balance dans le bon sens.

 

-Ça a été vite, tout de même ! En une génération, le changement a pris place.

 

-Tout ça s’est accéléré dans un effet « boule-de-neige » et c’est vrai que les nouvelles technologies de communication y ont bien aidé. Sur la toile circulaient des documents comme « les treize règles d’or du tuteur aimant », ou encore des histoires directement à l’attention des enfants, comme « le Dernier Cadeau du Père Noël » (j’en ai gardé des copies, si tu veux)… et des milliers d’autres initiatives. Les esprits en ébullition ont fini par réchauffer tous les autres.

 

-Et alors ?

 

-Et alors, le miracle s’est installé petit à petit : on a découvert, en observant les enfants, combien de notions qui peuplaient notre quotidien n’avaient en fait aucun sens profond, aucune racine dans leurs esprits, ni dans les nôtres, par conséquent.

 

-Comme quoi ?

 

-Ca ne te parlera pas trop, mais des mots comme « propriété », « possession », « consommation », « jalousie » nous sont apparus brusquement comme une immense fabrication, tout ce qu’il y a de plus artificiel.

Nous, à qui nos parents avaient tenté, à corps et à cris, d’apprendre à partager, souvent sans succès (vu qu’à long terme, la société et son exemple, à commencer par nos propres parents, nous montraient le contraire), nous avons découvert que cette notion faisait spontanément partie des instincts enfantins et qu’il suffisait d’entretenir son exemple pour l’ancrer durablement.

En  fait, en laissant les enfants manipuler à leur guise, comprendre le fonctionnement des objets, apprendre à les fabriquer, les restaurer, les utiliser et en prendre soin, on s’est aperçu qu’ils n’éprouvaient plus aucun besoin de les posséder ! Encore une fois, Maria Montessori l’avait dit bien avant, mais il fallait le temps à cette vérité de faire son chemin dans les consciences.

 

-Mais, ça veut dire quoi, posséder ?

 

-Ah… posséder, c’est garder pour soi, défendre aux autres… s’ensuivait tout un vocabulaire qui te sera méconnu : tu as entendu parler des clés ?

 

-Comme terme abstrait, oui.

 

-Eh bien là elles étaient très concrètes : chacun de nous en détenait un trousseau, parfois très lourd, et personne ne s’apercevait que ce poids avait pour effet secondaire majeur de nous priver de liberté. Au contraire : elles étaient une des choses les plus rassurantes à l’époque, tant notre angoisse de perdre était grande… c’est seulement en lâchant prise sur ce sujet que l’on a mesuré tout le bonheur qu’il y avait en fait à ne rien risquer de perdre, à ne s’estimer propriétaire de rien.

 

-Tu parles de poids : c’était si lourd ?

 

-Réellement, pas tant que ça, mais symboliquement, ces clés étaient la partie tangible de notre acceptation de la société de consommation comme seule et unique source de joie, de la possession comme accomplissement suprême. Il y avait une phrase tristement célèbre, à ce propos, qui unissait réussite de sa vie et possession d’un certaine montre… tout un symbole !

 

-Bon, on verra plus tard pour que tu m’expliques ce qu’est une montre, je voudrais comprendre d’abord ce que les gens voulaient tellement « posséder »?

Nous ne sommes pourtant que locataires, de notre enveloppe corporelle même… nous ne sommes que de passage.

 

-Il est vrai qu’une montre ne nous serait plus d’aucune utilité aujourd’hui, quand tout se mesure au rythme du soleil et se vit au présent…

Et pour comprendre le reste, il te manque certains éléments : vois-tu, le partage était à l’époque une notion si absente que certaines personnes n’avaient même pas l’usage du lopin de terre et du toit indispensables à la vie.

 

-Quoi !? Mais c’est impensable !

 

-C’est déjà plus facile à comprendre quand on sait que d’autres, en revanche, avaient tout… et ne le partageaient pas : des dizaines de propriétés, des immensités cultivables et plus d’argent que nous n’en dépenserions dans toute une vie… argent avec lequel ils pouvaient s’offrir absolument tous leurs désirs.

 

-Leurs désirs ? payants ? Mais qu’est-ce qui coûtait si cher ?

 

-Une image… le pouvoir… posséder la rareté (et je ne te parle pas ici de la rareté d’un souffle d’air sur la peau ou d’un moment privilégié comme celui de la naissance d’une fleur, ni même de la valeur du travail accompli ou d’une création personnelle, ces richesses étaient quasiment ignorées), posséder ce que les autres voulaient, en fait, pour être exact.

Jouir du plaisir de ne pas avoir à partager.

Et aussi… bien sûr, posséder les autres.

 

-????

 

-… et les femmes en particulier. Elles étaient le plus beau symbole de la réussite… masculine, ça va de soi, la seule qui comptât vraiment. Je sais, difficile à imaginer aujourd’hui tant elles ont acquis de liberté, mais dis-toi que ce fut un long et pénible travail : elles ont refusé, petit à petit, d’abord d’éduquer leurs filles dans le culte du prince charmant et du mariage, et aussi de servir de monnaie, au propre comme au figuré. Elles se sont réapproprié leur corps, elle n’ont plus toléré que quiconque ait des droits sur elles.

Chacun se souvient encore de leur immense manifestation, le 8 mars, « journée de la femme », pour la suppression pure et simple de ce jour d’affront, symbole monumental de leur exclusion sociale.

À partir de ce jour, le pouvoir et la réussite sociale ont eu beaucoup moins d’attrait ! Le corps et son partage n’étant plus un privilège ni une possession, l’argent a eu beaucoup moins d’intérêt. Bien sûr on pouvait s’offrir les services d’un(e) professionnel(le) du sexe… mais cela restait des services. On ne pouvait plus posséder une personne ! Voilà qui tombait à plat… et de haut !

 

-J’ai quand même toujours du mal à saisir l’aspect concret de cette possession humaine.

 

-C’est parce que le mariage a changé du tout au tout ! Aujourd’hui il sert de plus en plus rarement d’ailleurs… il fidélise encore quelques amitiés, mais il est surtout devenu un symbole, utilisé pour matérialiser l‘union parentale et assurer aux enfants un cadre rassurant. Tout cela devrait devenir de moins en moins utile, avec la généralisation de la confiance mutuelle au fil des nouvelles générations.

En ce temps-là, il exigeait la « fidélité », entends par là l’exclusivité et la quasi-obligation de sexualité dans le couple.

 

-Pourquoi ?

 

-Toujours pour les mêmes raisons : la paternité était biologique, un peu finalement dans la même logique que l’esprit de possession  général: de même qu’une terre t’appartenait sur le papier, et non comme fruit du travail que tu y accomplissais, les enfants aussi, une fois conçus, « appartenaient » en quelque sorte à leurs parents ; ce n’était pas eux qui choisissaient, qui élisaient leurs tuteurs selon leurs affinités et le temps que ceux-ci leur consacraient. On pouvait même rechercher « son vrai père » ou vérifier que son enfant était bien « le sien » par une analyse génétique… comme si après cela tout était dit. Finalement, on peut dire que l’on concevait la vie comme immobile, pré-établie, tout mouvement faisait peur… et pourtant, sans mouvement, pas d’évolution possible.

 

-Heureusement que la fée…

 

-Oui… Aujourd’hui la parentalité, et donc la paternité, est pratique et non plus théorique : elle concerne la ou les personnes qui prennent soin de l’enfant. Tout cela, plusieurs pères, etc. c’était impensable à l’époque. Tout rapport sexuel liait potentiellement un homme et une femme pour la vie, et ce même s’ils ne le voulaient ni l’un ni l’autre.

 

-C’est absolument aberrant.

-Oui mais n’oublie pas que c’était une ambiance générale, imagine-toi une seconde être l’enfant d’un de ces couples « obligés », quelle image aurais-tu eue de la famille, du lien parental, de l’amour de tes parents ? Et quelle image en aurais-tu transmise à tes propres enfants ? La rancœur devait forcément teinter tout cela, jusqu’au cœur de chaque fruit de ces « familles de la contrainte ».

Et toutes les autres familles étaient touchées par cette atmosphère. Moi-même j’ai longtemps considéré comme une valeur cette fidélité à laquelle je me contraignais.  Ce n’est qu’après de longues réflexions que j’ai fini par comprendre qu’elle était la toile d’un piège qui fragilisait nos couples (c’en était même le talon d’Achille !) et nos relations d’amitié, y compris l’amitié parentale, ce qui était tout de même le comble !

 

-L’infidélité était-elle punie d’emprisonnement ? (c’est bien le mot employé ?)

 

-Non, c’était bien plus insidieux : l’infidélité était punie de mauvaise réputation, d’exclusion sociale et, le pire, de la contrainte morale de demeurer en couple avec l’objet du péché !!  Combien de couples se sont ainsi formés, qui n’étaient en fait unis que par le désir charnel, s’ennuyaient à mourir et se disloquaient après les trois ans de passion sexuelle, dans le meilleur des cas…

 

-Je crois que je saisis le rôle central de la sexualité dans tout cela : elle était comme un lien invisible, une entrave que l’on refusait de voir et qui n’en devenait que plus envahissante.

 

-C’est exactement cela. La vraie liberté a été d’oser regarder ces fils, qui se sont dénoués d’eux-mêmes lorsque nous avons admis leur existence… mais aussi, en parallèle, de se libérer de la possession, dans le domaine amoureux aussi, où il portait le nom d’attachement.

 

-Mais pour cela j’ai l’impression qu’il fallait revoir les règles…

 

-Et c’est ce qui s’est imposé lorsque la génération du tournant est devenue adolescente, puis adulte. Ca a été comme une vague, une lame de fond.

Ils ont voulu tout comprendre.

Ils se sont emparés des savoirs et des savoir-faire, qui les ont libérés de l’envie de posséder en leur en montrant l’inutilité.

Ils ont éclaté les clivages entre métiers, entre castes sociales et économiques, et se sont attelés au travail de refonder les lois. Ce qui fait que quand l’occasion s’en est présentée, ils ont pris la main.

 

-Comment ?

 

- Eh bien tu l’as dit : la fée !

Ou  plutôt, comme on peut s’en douter, c’est par une idée, sortie du cerveau d’un de ces enfants, tous géniaux à leur manière, que le changement de mentalité a pu prendre place dans les esprits.

Cette découverte majeure consista à comprendre que l’homme n’en était plus au stade de sélectionner ses enfants par la génétique. L’adoption, l’esprit mutualiste, l’entraide humaine auraient déjà dû nous le faire comprendre depuis longtemps : notre force à nous, notre transmission intergénérationnelle, c’est l’éducation, ce sont les longues années où les adultes encadrent et protègent leurs petits. Peu importe les gènes d’un enfant, ce qui va le forger c’est l’éducation que tu vas lui offrir, c’est en cela qu’il prendra ta suite. Peu importent nos gènes, donc, ou plutôt plus ils seront variés et mieux cela sera ! La force de la société humaine c’est son potentiel à s’adapter à toutes les situations, justement parce qu’elle écoute et protège chacun de ses membres, chacun étant riche d’un apport complémentaire, car c’est sa différence à lui qui fait notre richesse à tous.

Le seul rôle de la société est de permettre à chacun d’eux d’exprimer et d’utiliser pleinement le potentiel qui siège au fond de lui. Le jour où l’on a compris ça, on a été certains du bien-fondé des changements que l’on planifiait.

Mais il fallait faire vite pour stopper à temps l’élan qui amenait déjà certains esprits à désirer sélectionner les caractéristiques de leurs enfants… c’eut été une autre manière de briser l’évolution humaine que de décider des composantes génétiques de ses embryons… je suis même persuadée que c’eut été son ultime pas à l’encontre de la Nature, de la vie… et qu’il lui aurait-il été fatal.

On a beau avoir le « meilleur » des potentiels, s’il est bridé par l’éducation, il se flétrira avant d’éclore…

Et qui peut juger du meilleur potentiel ? Qui sait ce qui nous attend ? C’est notre variété et l’infinité de ces potentiels qui sont le meilleur gage de notre pérennité. Si les enfants et leurs caractères génétiques avaient eux aussi suivi la mode, quel coup fatal à notre potentiel d’adaptation !

Bref. Ainsi, la crise économique tant redoutée, devenue Coalition pour le Respect et l’Indépendance au Service des Enfants, avait finalement joué en notre faveur. Les gens dans la rue, les discussions fraternelles favorisées par le chômage général, les échanges constructifs d’idées, la force humaine en somme, ont obligé le pouvoir à céder.

Devant l’urgence sociale et écologique, l’Etat a dû établir les fameuses bases de notre Constitution actuelle… tu les connais certainement par cœur…

 

-« Chacun a droit d’entretien respectueux et de récolte raisonnée sur la part de terre autorisée par le rapport local population/surface. » et « Personne ne peut produire, utiliser ni accumuler davantage que son empreinte écologique maximale ne le lui permet. »

Dire qu’il fut un temps où cela n’était pas établi… j’ai du mal à le croire.

 

-Moi aussi, aujourd’hui. A l’époque c’était loin d’être évident, et pourtant c’était seulement en partageant eux-mêmes que les adultes pouvaient espérer voir s’épanouir cette notion dans le cœur de leurs enfants. Sans cela, toute tentative était vouée à l’échec.

Oh, bien sûr, tout n’a pas été facile… Les industriels, les gros actionnaires, tu penses bien, ont eu du mal à accepter cette nouvelle donne : perdre ainsi leurs privilèges !… mais leurs efforts ont été vains : avec la manière dont ils traitaient leurs employés restants, ils n’ont pas été écoutés bien longtemps… le pouvoir du nombre, l’appel de la liberté ont pris tout simplement la place sur le pouvoir de l’argent. Quand la multitude des petits travailleurs s’unit pour refuser de servir un puissant… il ne reste plus à ce dernier qu’à prendre un outil et aller cultiver ses pommes de terre lui-même !

 

 

-Alors voilà ce qui manquait à cette société et qui la condamnait à l’aveuglement ? En abolissant la propriété et la possession… on a rendu tout vol impossible ! Et toute prison inutile…

 

-Le vol… Je me souviens d’un film qui disait que tout délit, tout crime est un vol : vol de liberté, de sécurité, d’intimité, de vie… et de possessions aussi, quand elles existent.

Or il était devenu plus facile de travailler que de tenter de voler aux autres, qui n’accumulaient plus rien et dont la société locale, la communauté, protégeaient mieux les acquis que toute police ne l’aurait pu… c’était donc le chômage pour les voleurs de biens, oui !

Et pour les autres… les voleurs de vie, de respect, d’intimité, il restait l’asile ou la liberté surveillée. Il en reste encore aujourd'hui mais leur nombre va toujours décroissant, il ne restera bientôt que les personnes réellement malades, toutes celles qui étaient « malades de leur enfance » s’éteignent une à une.

Mais revenons au changement. En ce temps, donc, en changeant les possessions en droit d’usage, en rendant leur liberté aux personnes « objetisées » et en réglementant le partage, on a coupé court à beaucoup de comportements déviants. Il en restait cependant de graves…

 

-Les maltraitances aux enfants ?

 

-Oui, et c’est là qu’intervient la clé de voûte de notre société actuelle, l’article premier et indispensable de notre constitution…

 

-« Tout enfant a le droit à une éducation aimante, respectueuse et éclairée. Dispenser cette éducation constitue un métier à part entière. »

 

-Voilà. Ce jour-là on a reconnu l’éducation comme un travail tel que tu les connais dans la bourse d’échange de travaux et services. On a éduqué les parents, on a crée les fameuses commissions interdisciplinaires _médecins, enfants, éducateurs_ de suivi parental.

Bref, on a enfin rétabli la justice envers cette « minorité » majeure qui nous concernait tous, au passé, au présent comme au futur : les enfants. Et on a aussi permis, en particulier, aux mères de vivre de ce travail, ce qui leur permettait de ne plus être dépendantes des hommes… boucle bouclée pour leur accès à la liberté !

 

-Tu dis « ce jour-là »… je sens que tu me caches des choses… bien sûr il a fallu du temps mais il y a dû y avoir un jour où tout a basculé…

 

-Ah… l’Homme est bien toujours le même ! Ce besoin de croire au supérieur… Hier c’étaient les Dieux, aujourd’hui c’est la fée…

Et si je te disais que c’est l’Homme, l’Homme lui-même, qui a su rebondir, renaître de ses erreurs… il est allé au bout d’un système sans issue, il a dû en voir le fond pour y poser le pied et pousser un grand coup afin de remonter assez haut pour retrouver l’air qu’il n’aurait jamais dû cesser de respirer.

Il a enfin accepté la mort, et cela l’a autorisé à profiter de la vie.

Il a enfin accueilli la sexualité dans sa vie, et elle a cessé d’empoisonner chacun de ses gestes.

Il a reconnu ses erreurs, a enfin cessé de rechercher la perfection à l’état pur, et ça l’a ouvert à la progression.

Il a changé l’avoir en savoir,

La consommation en création,

Le bonheur virtuel en réalité,

L’autorité en respect mutuel,

L’attachement en liens d’aide à l’autonomie,

La perfection aseptisée et son uniformité, son éternité, son absence de défaut, sa recherche de l’extrême propreté… l’absence de vie…

en perfectionnement et progression naturels, comprenant mixité, acceptation de la mort, droit à l’erreur, respect de l’équilibre naturel (la seule entité qui s’entretienne d’elle-même en permanence) : en la vie quoi !

Il a renié la possession (d’objets, de terres, de femmes, d’enfants) au profit du droit au partage, à l’usage, à l’entretien, à la récolte, à l’éducation, à l’amour.

Il a rayé de son dictionnaire les mots « investissement », « héritage », « propriété », « retraite » mots figés dans un espace-temps totalement virtuel, un pari permanent sur le futur, une négation de la vie…

 pour les remplacer par « agir », « créer », « cultiver », « transmettre »… verbes d’action pour une vie au présent.

La fée Pourquoi-Pas, vois-tu, elle dormait en chacun de nous; les circonstances l’ont éveillée mais chaque progrès a été un combat, du référendum pour la reconnaissance du métier parental à l’abolition des diplômes en faveur des suivis et contrôles pratiques, en passant bien sûr par la Charte du Partage de la Terre.

Le détonateur en a été la crise, le conducteur les nouvelles facilités de communication, et la fée Pourquoi-Pas était dans tout cela à la fois.

Elle renaît avec chaque enfant, et, on le sait maintenant, même si elle a l’air de l’avoir quitté, elle y est seulement endormie et se réveillera, pour peu qu’on s’en donne la peine.

C’est en l’écoutant qu’on continuera à résoudre les problèmes qui se présenteront à nous : la finalisation des liens entre communautés, régions et pôles spécialisés (médicaux ou autres), la réadaptation permanente des équivalences de valeur entre travaux et services, la gestion des déchets nucléaires dont nous avons hérité, l’extinction des espèces, la remise au vert des déserts, la prochaine ère glaciaire, et, qui sait, la mort du Soleil ?

L’histoire même de l’humanité nous confirme que l’on peut croire en elle, qu’elle sera toujours un espoir, pour chacun d’entre nous.

L’immortalité est possible, mais pas en tant qu’individu bien sûr. En tant que société.

 

-Je suis heureux d’avoir parlé de tout ça avec toi, Mamé.

 

-Moi aussi, Robin. Il est l’heure de rentrer maintenant. Tu embrasseras tes pères et mères pour moi, ainsi que tous tes frères et sœurs de la troisième génération. J’essaierai de venir pour ta fête des deux chiffres… c’est bien ça : tu vas avoir dix ans n’est-ce pas ?

 

-Oui. J’espère te voir, alors, au solstice d’été, pour la grande fête. Prends soin de toi, fée Pourquoi-Pas…

 

-Toi aussi, Robin, continue de prendre soin de toi et des autres, je suis fière de vous tous et heureuse d’avoir vécu assez longtemps pour voir ça !

J’ai même eu la chance de connaître ma fête des trois chiffres l’année dernière… Chaque jour est un cadeau pour moi.

Dis bien aux autres que vous avez toute ma confiance.

Comme toujours. 

 

 

 

 

 

Témoignage recueilli et enregistré sur place.

Le témoin a jugé préférable de le retranscrire dans son intégralité, afin d’en garder la sève et la richesse pour les générations futures.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Annexe 1 :     Les 13 règles d’or du tuteur aimant

 

1 Connais-toi toi même, admets tes faiblesses et sers-toi de tes erreurs et de ta personnalité comme d’un outil.

 

2 Souviens-toi de ton ressenti d’enfant ou, à défaut, place-toi le plus souvent possible dans la peau de l’enfant qui te fait face ; tu comprendras ainsi son sentiment d’injustice, d’incompréhension ou sa blessure, souvent légitimes, et tu gagneras en tolérance.

 

3 Ne pense pas être supérieur en quoi que ce soit : un enfant peut t’en apprendre bien plus que tu ne lui en apprendras, mais pour cela il faut lui ouvrir ton cœur, l’observer, l’écouter et le comprendre le plus sincèrement possible pour t’adapter à lui, et non le contraire.

 

4 Donne autant de valeur (et même davantage) à l’enfant qu’à n’importe quel adulte : ne lui refuse pas le droit à l’erreur (casser un joli verre par exemple, comme tu l'accepterais de tout invité), le besoin de respect, l’attention qu’il demande.

 

5 L’enfant, grâce à ses tuteurs, est en liberté  protégée :  il a une certaine liberté dans ses choix, qui seront respectés, et les coudées franches entre des limites clairement établies le plus tôt possible, pour sa sécurité, sa santé, son respect et ceux des autres.

 

6 Limite les interdits et tes interventions à leur strict minimum, en quantité et en intensité : un enfant qui apprend à se lâcher pour marcher, par exemple, ne doit pas être maintenu : le tuteur est là, à côté, prêt à le rattraper pour éviter les blessures graves, mais il ne fait pas intrusion dans son espace de liberté. Cela demande plus de temps (on avance moins vite quand c’est l’enfant qui marche) et plus d’attention (être là pour le protéger, en cas de besoin, donc rester en état de vigilance) mais c’est la seule manière de respecter ce principe de base, essentiel :

Le  tuteur  n’est pas là pour empêcher, ni même  limiter ou corriger les erreurs (c’est là le rôle de l’enfant),  il  est    pour  en  limiter  les  conséquences   néfastes  et  empêcher qu’elles  ne  soient  graves.

Il ne tient pas l’enfant par la manche, il se tient à sa disposition.

Cela implique aussi, bien sûr, une maison organisée pour faciliter la vie à l’enfant, pour qu’il ait le moins possible à demander d’aide (aide qu’on lui accorde, bien sûr, dès que demandée, mais toujours de la manière la plus légère possible, en expliquant ce que l’on fait pour faire en sorte que cette aide ne soit bientôt plus nécessaire).

 

7 Pose tes limites, mais justifie toutes tes décisions : les interdits ont des raisons bien fondées, ils n’ont rien d’arbitraire, il faut donc les exposer sans pudeur excessive ni mensonge. Ce temps d’explications, souvent répétées, est un investissement mille fois rentabilisé par la suite.

 

8 Traiter l’enfant en personne, c’est respecter ses choix, ses activités et ses envies dès que possible, mais c’est aussi lui apprendre à respecter les tiens !

Donner trop de droits à l'enfant en sacrifiant les siens pour lui, ou lui refuser le respect qu'il mérite en lui parlant comme on n'oserait parler à aucun adulte, sont deux façons de commettre la même erreur.                   

 

9 Pas de zèle, corvées ou sacrifices non indispensables au bon fonctionnement de la maison, en matière de ménage en particulier : en faire le moins possible et faire participer l’enfant le plus possible, toujours en autonomie bien sûr, c’est du temps gagné en commun (faire le ménage ensemble mais aussi plus de temps pour jouer ensemble) et donc de la richesse pour tous !

 

10 Avoue tes erreurs, tu n’en perdras pas en crédibilité, bien au contraire !

Chaque  erreur  assumée  est  un  exemple  de  réussite.

 

11 Ne refuse jamais un câlin, une marque d’affection, une consolation, ne fais pas de ton amour une monnaie, répète lui aussi souvent que nécessaire que tu aimeras toujours ton enfant pour ce qu’il est, quoi qu’il fasse.

Nier une douleur ou un chagrin (« oh, la belle cascade ! ah, ah, ah ! »), ce n’est pas la rendre plus légère pour l’enfant, bien au contraire, c’est l’enfouir, enfouir avec elle la légitimité de ce besoin d’affection et nier la véracité des sensations de l’enfant et la confiance qu’il peut leur accorder.

Et "punir" un enfant par une privation d'affection ou de respect, c'est le blesser de manière inutile et néfaste : une fois les conséquences de ses actes assumées, il ne doit sentir aucune rancoeur ni rancune, et surtout pas de la part de ses "tuteurs aimants" !

 

12 En  bref,  donne à l’enfant   ta confiance   et la sienne dans ses choix, ses décisions, ses ressentis, ses capacités à agir et à accomplir une tâche, apprends lui que l’erreur  est  surmontée  par  son  acceptation  et  sa  prise  en compte,  elle  n’est  pas  source  de  frustration  ni  de  souffrance,   mais  au  contraire   à l’origine   de  chaque  progrès.

Un bon exemple est notre façon de faire face aux "bêtises" d'un enfant, à ses erreurs, quoi : le meilleur moyen pour qu'il les intègre et ne les refasse pas, c'est de lui faire assumer ou au moins de l'impliquer dans leur réparation. Après avoir épongé la flaque, nettoyé et essoré l'éponge, puis lavé ses mains, il sera motivé pour faire plus attention au prochain transport de récipient plein... et il se sentira "lavé" de sa maladresse, digne et heureux de reprendre sa place dans les activités, alors qu'une punition (généralement isolement, avec ou sans récriminations... autrement dit "se faire facher", comme disent mes gosses) l'aurait aigri, rendu moins sûr de lui et donc plus maladroit pour les prochains essais, et lui aurait collé un sentiment de culpabilité inguérissable, petite pierre certes, mais qui fragilise l'édifice de sa personnalité... Essayons de rassembler au contraire un maximum de petites pierres positives, et pour cela, un point important est de lui permettre de surmonter ses erreurs en les réparant, pour passer sereinement à la suite...

Et puis, autre point importantun enfant puni n'aura pas moins tendance à refaire sa "bêtise", il apprendra juste à la faire en cachette... vous vous rappelez^^

13 Et enfin, n’écoute pas les « il faut », les « il doit », la vie n’est ni une discipline ni un ensemble de contraintes, c’est au contraire un espace de liberté, d’échange, d’adaptation,   d’inventivité    et  de  respect  des  différences   !

Je n'y arrive pas

jE N’Y ARRIVE PAS

Je n’arrive pas à mettre mon gilet jaune sur le tableau de bord. Mais pourquoi ?

Alors que comme Ruffin je suis heureuse, soulagée et enthousiasmée de voir que les gens de la vraie vie ne sont pas entièrement résignés, alors que je ne souhaite qu’une chose, c’est que le mouvement s’amplifie et perdure pour obtenir de réels changements et une vraie démocratie, j’ai peur de cet objet.

Parce que c’est un jaune qui sent le soufre. Une petite odeur, même totalement absente lorsque j’entends certains d’entre eux, mais qui me pique fort les naseaux quand je lis d’autres revendications, d’autres slogans, d’autres désinformations clairement extrême-droitistes traverser le courant de révolte.

Quelle part a ce jaune soufré dans la création, la motivation et le maintien du mouvement ? Si j’avais la réponse, je saurais quoi faire de mon « gilet haute visibilité ».

Jusqu’ici rien d’anormal, voire que de très logique :

- Macron a créé un mouvement « ni de droite ni de gauche, bien au contraire »,

- il se retrouve avec une opposition dans la rue « de droite et de gauche, et bien plus encore ».

Ah oui on est d’accord sur le contre, sur l’opposition quoi, mais ensuite, on fait quoi ?

Comme la droite on réclame un état d’urgence, qui empêcherait de facto toute poursuite du mouvement en interdisant les rassemblements ? on voit bien quelle démocratie ils nous préparent, ceux-là, s’ils accèdent au pouvoir. Silence dans les rangs !

Ou bien on part vers une société écologique et sociale, que j’appelle de tous mes voeux, mais on est combien dans ce cas ?

Les gilets jaunes les plus courageux, les plus entêtés, les plus teigneux, ceux qui ont déjà réussi l’exploit de faire reculer un petit peu messeigneurs Philippe et Macron, ils sont de quel bord ?

Je n’en sais fichtre rien, mais imaginons qu’ils soient du premier de ceux évoqués ci-dessus ?

Ca va pas trop leur plaire, l’ouverture des frontières, la simplicité volontaire, le partage des richesses et du travail, dès lors qu’ils vont ressortir la tête de l’eau et se sentir à leur tour en droit de défendre leurs possessions contre les méchants immigrés qui veulent tous nous remplacer…

Quand je mets mon gilet bien en vue (si si, ça m’est arrivé, à peu près deux minutes, avant de le ranger illico presto, en espérant que personne ne m’avait remarquée), j’ai l’impression de rentrer dans un jeu dont je ne maîtrise absolument pas les règles…

C’est comme dans cette histoire dont j’ai entendu parler, « la Vague » : on crée deux clans, ceux qui portent le signe et ceux qui ne le portent pas. Et ensuite, on fait quoi du camp adverse ? Et ce signe, concrètement, il veut dire quoi ?

-« On est chez nous » ?

-« Peace and love » ?

-« On veut pouvoir rouler en gros 4X4 diesel sans qu’on vienne nous faire chier » ?

-« Rends l’ISF d’abord » ?

-« Ras le bol des taxes et des normes, l’écologie ça commence à bien faire » ?

-« Une autre société est possible » ?

-« La France aux Français » ?

-« Ruffin Président » ?

Aïe, ça fait mal aux adducteurs.

Je pense que, pour le moment, ce signe veut juste dire « laissez moi le droit et les moyens de faire ce que je veux ».

OK, c’est légitime.

On bosse, on trime, on aimerait pouvoir en retirer quelques marrons du feu et les déguster, pas juste garder la douleur du cramé sur le bout des doigts.

C’est légitime mais c’est léger.

Et donc, légèrement dangereux.

Parce que l’individualisme forcené, on a déjà essayé, les politiques ont bien joué dessus pendant des dizaines d’années, c’est bon, on a vu à quoi ça nous menait.

A aujourd’hui.

Et on ferait tout ce ramdam pour repartir comme avant, une fois la partie « gagnée » ? C’est ce que je crains. Et j’ai quelques raisons de le penser.

Les lois sur l’immigration, ça les avait révoltés ?

La société du flicage généralisé et de la surveillance de tous par tous et surtout par certains, ça les avait inquiétés ?

Le massacre des droits de l’Homme et de la Planète par un commerce sauvagement meurtrier, dont on se gaverait fort joyeusement si on le pouvait en ces temps de Fêtes, ça les culpabilisait ?

Pas que je sache.

OK, la majorité des révoltés d’aujourd’hui étaient bien trop noyés sous les soucis et le boulot pour réfléchir à tout ça, mais il ne faut pas oublier que, en attendant, ce qui a déclenché ce mouvement populaire, c’est exclusivement un problème financier. C’est le nerf de la guerre, soit, c’est le début et la fin de tout, des haricots comme de la vraie vie, et c’était le déclic nécessaire. Mais est-ce que c’est suffisant pour être LA Cause, la grande, avec un grand C, celle qui réveillera tout le monde ?

Comme dans ce film tiens, « l’Eveil », où des personnes, physiquement présentes mais absentes au monde, reviennent brusquement et ont envie de vivre. Leur regard s’anime, leurs sentiments reviennent, ils ont des opinions, des envies, des refus. C’est beau. C’est saisissant. Mais ils se rendorment ensuite comme ils s’étaient éveillés. A Ciao bon dimanche ! Pourquoi ? Parce que la raison de leur éveil s’était usée, ils s’y étaient accoutumés, et rien de durable n’avait pris le relais.

C’est ce qui ne manquera pas d’arriver si une nouvelle vague, une vague du « POUR », celle là, ne vient pas relayer la première.

Messieurs et Dames les politiques, qui pestez, relayez, insistez sur le matraquage fiscal, le pouvoir d’achat et toutes les données pécuniaires qui ont fait monter le mouvement de révolte du peuple en gilet, gardez vos forces.

Economisez-les.

Tous ces arguments vous font aimer de la population révoltée, oui, ça va dans le sens du vent, mais le vent va retomber. D’une façon ou d’une autre, il va faiblir, tourner, peut-être très mal tourner d’ailleurs.

C’est pourquoi votre rôle aujourd’hui c’est certes de relayer les besoins urgents de meilleure répartition des richesses et de réhabilitation de la justice sociale.

Mais c’est surtout de construire d’ores et déjà la vague relais, celle qui va porter les esprits vers une idée positive de ce que pourrait être la vie si on s’unissait tous dans un commun projet.

Ruffin, tu dis qu’on ne manquera pas de trouver des candidats pour remplacer Macron s’il démissionnait. Je suis d’accord avec toi. Et c’est ça qui m’effraie ! ( pas d'être d'accord avec toi, mais non)

Pourvu que ces candidats là n’aient pas dans l’idée de profiter de la vague porteuse pour inonder la société de haine et de barbelés.

Alors vous, gens de pouvoir et porteurs de parole, criez et alertez, sur les dangers d’une société qui se refermerait sur elle même, passerait à l’état d’urgence, à la marche forcée, au « je ne veux voir qu’une tête » que commencent à nous vendre les politiques droitiers.

Et surtout construisez, consolidez, expliquez, convainquez, parce que le vent retombé, s’il n’est pas relayé par un courant chaud ascendant, sonnera le début de notre dernière chute.

jeudi, 8 juin 2017

pour la souffrance animale, quand même, beaucoup

Un gars que j’aime bien prononçait l’autre jour ces mots. Un gars qui aime bien, lui, défocaliser et avoir en tête que tout ça est surplombé par un preneur de sons, qu’on ne voit pas sur l’image.

Moi je n’y connais rien en preneur de sons, mais je défocalise plusieurs fois par semaine en ce qui concerne la souffrance animale (et humaine aussi, mais on en parlera une autre fois, si vous voulez).



Mon petit point de vue n’est pas supérieur aux autres, il est juste situé à un endroit encore obscur, malgré le nombre croissant de caméras qui s’y implante, de gré ou de force.

On y voit l’arrivée des vaches dans leur camion, et on les suit jusqu’à leur mort.

Mon preneur de sons est double et il est situé de chaque côté d’une boîte contenant, je l’espère, le nécessaire pour analyser et infléchir au besoin les situations rencontrées. Je dis je l’espère, parce que c’est pour ça qu’on me paye, pas toujours de bon coeur _quand la bouse ou le sang éclaboussent un peu le préfet_ mais on me paye quand même, jusqu’ici on peut pas se plaindre.

La petite phrase du titre (et la précédente, qui concernait la planète) a donc déclenché en moi ce processus intermittent, qu’est l’envie d’écrire. Avec l’espoir que mon lecteur aurait l’envie de répondre à mes contradictions.

Voilà bien, depuis toutes ces années, 300 000 vaches que je vois passer, qui réchauffent mon quotidien, et qui m’apprennent mon métier, rien qu’à les observer.

Le parcours du camion à la chaîne, il n’est pas toujours le même. Il dure plus ou moins longtemps, il voit plus ou moins de monde, des plus ou moins calmes, ça dépend des jours, ça dépend des heures d’arrivées et aussi du nombre de copines (ou de copains) qui sont déjà sur place et qui ont, ou pas, la priorité.

Le final, il n’est certainement pas le plus agréable, ça non, mais que ce soit à cet endroit ou ailleurs, le final, je crains qu’on ne soit pas très nombreux à l’aimer.

Là il est décidé, c’est exact, il est même prémédité, oui, et depuis bien longtemps, depuis avant la naissance. Que ce soit l’objectif même de l’élevage, ou juste la dernière destination après une longue carrière parallèle, il est prévu.

Pas forcément dans l’indifférence générale d’ailleurs : parfois c’est la chouchoute, la vache du petit, qu’a grandi, comme tous les petits, et qu’est parti faire ses études à la ville. Alors c’est un crève-coeur, évidemment, mais les parents ou les grands-parents, eux, ils ont grandi aussi, à leur manière, avec des cheveux blancs et le final qui se rapproche, pas forcément accompagné d’une retraite en or, et souvent ils n’ont pas d’autre choix.

Le final, donc, c’est un monsieur ou une dame qui te regarde, qui s’appelle Bruno, Sylvie, Albert ou que sais-je, qui te pose un truc sur le front parce que c’est pour ça qu’on le paye, lui, et puis ensuite plus rien.

Les scientifiques se sont (enfin !) penchés sur la question et ils ont fait plein d’expériences (me demandez pas comment), pour en arriver à nous dire exactement quels signes font craindre qu’après le coucou de Sylvie ou de Bruno il n‘y ait pas « plus rien ».

Si Sylvie ou Bruno sont à un moment de la journée où le chef n’est pas là pour les emmerder, où ils n’ont pas de retard à rattraper ou s’ils n’ont pas trop mal partout et le corps qui renonce, ils vont le voir ce signe, et ils vont « retaper ».

Parce que Sylvie, Bruno et les autres, c’est rare que la cruauté les inonde, c’est comme ailleurs hein ? N’en déplaise à Bollo, il n’y a pas des Hanoubitmol partout ! Quoiqu’il en soit, deux minutes après, le sang se sera échappé et la vie sera partie avec.

La mort est plus ou moins douce, en abattoir ou au dehors, et il n’est pas question de renoncer à l’améliorer.

Les caméras ? pourquoi pas, mais si c’est le patron qui les regarde, on risque de ne pas protéger qui on pensait. La vache, elle sera bien traitée quand l’ouvrier sera bien traité, alors évitons de donner des armes à son chef, un malheur est si vite arrivé.

La mort, elle nous fait tous peur, c’est sans doute une des causes du rejet de la viande aujourd’hui. Je me souviens, avant d’entrer dans un abattoir, comme cet endroit représentait le summum de l’horreur pour moi, bien plus qu’un lieu de mort et de sang : une terreur irrationnelle, rassemblant à elle seul toutes les monstruosités qui nous hantent depuis le temps où l’on vivait dans des grottes.

Moi, travailler dans un abattoir ? jamais ! Et en plus dans le secteur où les animaux sont encore vivants ? Impossible, je ne pourrai pas.

Cette fois encore, ce qui m’effrayait le plus, j’ai fini par m’y frotter. J’y ai découvert une mine cachée, de relations humaines mais aussi de clés pour comprendre le monde extérieur.

Je vous passe les détails pour me concentrer sur ce qui précède la mort. La vie.

On ne croirait pas, mais ce qu’on apprend de plus important sur la vie des bêtes, dans un abattoir, se lit sur les animaux. Sans avoir besoin de dons de voyance, on sait si l’animal a été bien transporté, déjà, mais aussi comment il a été élevé.

A son état d’embonpoint, on sait si le patron était généreux. Et il est d’autant plus généreux qu’il n’attend de sa vache « que » la fabrication de beaux muscles. S’il en attend du lait, il sait que la nature est bien faite, et que la priorité des organismes ira toujours à la mamelle (pour le « bébé » !) , avant d’aller charpenter la maman. Pas besoin dès lors d’engraisser les bêtes, ce ne serait que gaspillage pour une production qui peut s’en passer. Là encore, rares sont les Hanouchiottes parmi les éleveurs, pour eux la question c’est de vivre. Encore la vie, tiens.

A son état de propreté, on sait si elle a vécu dans un pré, ou si elle sort directement de sa stabulation, où ses jambes s’enfonçaient jusqu’à mi-cuisse, dans le fumier accumulé des derniers mois. Sa propreté mais aussi ses pieds, ses articulations, sa bouse, et aussi, son odeur.

Je garde profondément impregné en moi le souvenir des ces trop rares bêtes, vaches ou taureaux, qui arrivent, du foin dans le toupet, et l’odeur d’herbe fraîche, d’air pur et de panse heureuse, exhalé par leurs naseaux, quand elles viennent renifler mon visage.

Si la question c’est, ne pas manger de viande pour la planète, alors oui, pour les animaux élevés hors sol, en stabulation, pour le lait ou pour l’engraissement prématuré.

Mais ceux qui vivent dans les prés et les entretiennent, si on les retire _ parce que y’a peut-être pas des Hanoubip partout, mais il y a encore moins de généreux donateurs qui entretiendront tout ça en prolongeant la vie jusqu’au bout, pour rien, pour le plaisir et en payant les frais vétérinaires pour les soins et l’euthanasie… à moins qu’on en arrive à des zoos bovins ? autre débat que celui des zoos…_, on fait quoi à la place ? des forêts ? des champs de céréales ? Il faudrait alors prouver que la culture du bois, et celle du maïs ou du blé, polluent moins que des vaches au pâturage. Bon courage.

Si c’est « pour la souffrance animale, quand même, beaucoup », ce qui est également très respectable, alors j’en arrive quand même aux mêmes conclusions : est-ce que ce qui compte, c’est la mort ? Celle qui nous attend tous. Ou bien ce qui fait une vie sans souffrance, c’est plutôt la vie ?

Pour moi, c’est la vie qui fait la différence.

Et entre une vie de vache laitière, enfermée, inséminée, nourrie uniquement pour son lait, privée de son veau dès les premiers jours, vieillie prématurément par l’usure de la production laitière, au rythme effréné d’une gestation par an, et la vie d’une vache allaitante, laissée au pré avec son taureau puis avec son veau et ses copines, atteignant régulièrement la vingtaine d’années, bon pied bon oeil, avant de passer à la casserole, entre les deux eh bien y’a pas photo.

Je ne crois pas à l’arrêt de la consommation de viande, je ne suis pas plus royaliste que le roi, ni plus végan que les indiens. Je préfèrerais de loin que notre élevage se rapproche le plus possible des conditions de vie normale des animaux, dont on prélèverait un petit nombre (ou une partie du lait) régulièrement et respectueusement, pour notre consommation.

Ca veut dire, comme toujours, faire des choix. Faire vivre l’éleveur que l’on connaît, qui travaille bien, qu’il produise de la viande, du lait ou des oeufs, qu’il s’occupe de vaches, de chèvres, de cochons, de moutons ou de volailles.

Et arrêter, non pas les produits carnés et laitiers, mais certains produits carnés ou laitiers, ceux basés sur un mode de production industriel. Ceux qui engraissent les intermédiaires. Sur le dos des vaches. Et sur le dos des ouvriers.

Et vous aurez un gros poutou parfumé de Marguerite !

lundi, 30 janvier 2017

Le paysage politique français (et le paysage électoral !?)

Une fois de plus, je ne vais pas être très impartiale, mais j’assume le fait de faire partie du fameux paysage, et en ce sens d’avoir choisi mon bosquet, que j’espère voir devenir une forêt.

Ni impartiale ni défaitiste, donc. Et contagieuse ? à vous de voir.

Mon parti-pris, du coup, est le suivant : progresser c’est gagner, gagner en liberté notamment, à la stricte condition de gagner collectivement. Oui, j’assume, le progrès, c’est collectif, sinon ça s’appelle la loi de la jungle (pas très moderne, la jungle).

A partir de là, je me suis permis de classer les principaux candidats actuels selon ces critères de progrès, appliqués à deux points majeurs de nos vies :

-la vie privée/sociale, en dehors du travail et des activités économiques,

-et la vie économique : toutes les façons de gagner de l’argent (principalement, pour le commun des mortels dont je fais partie : le travail) et de contribuer à la richesse commune.

Le voici, ce tableau politique à ma sauce :

candidats     socialement :   économiquement :
   réac' ou libertaire ?      réac’ ou progressiste ?                                               
Mélenchon   L	                 P
Hamon	   L	                 P
Macron	   L	                 R
Fillon	   R	                 R
Le Pen        R qui se cache  R qui se grime en P
  (de plus en plus mal)

Ah bah oui, déjà, on remarque que c’est pas bien du tout, j’ai marqué noir sur blanc que le FN nous ment.

M’enfin, j’ai le droit de dire mon opinion.

Ce qu’ils disent n’est que stratégie manipulatrice pour tenter d’accéder au pouvoir, ce qu’ils feront sera beaucoup moins rose, c’est ma conviction, et l’Histoire l’a déjà démontré, malheureusement.

La coccinelle, qui s’en souvient ? promesse d’égalité et de prospérité, faite au peuple, par un moustachu qui a finalement préféré devenir sanguinaire.

Les « anti-système » auto-proclamés (entendre « anti-démocratie », mais ça ne se dit pas… encore), ça n’est pas d’hier, et c’est pour moi le pire du réac’_voire le criminel_, qui se cache derrière le populisme.

Rien à voir ou presque mais je veux ici, par honnêteté, dire mes réserves sur M. Mélenchon. Je ne doute pas qu’il soit un homme de convictions mais je frissonne un peu quand je vois ses façons de s’emporter et de trier sur le volet les journalistes qui ont le droit de recueillir ses propos. Sans compter ses divers soutiens à de fameux dictateurs, incompréhensibles pour moi.

Tout cela ne sent pas toujours la démocratie, et parfois même me rappelle les méthodes de l’extrême droite. L’avenir me contredira, je l’espère.

Alors bon, cela étant dit, si on regarde de plus près ce tableau, on réalise qu’il y a pas mal de possibilités qui nous sont proposées, mais qu’il en manque une : où sont les réac’ sociaux économiquement progressistes (« R-P ») ?

J’imagine ce mouvement fictif comme une espèce de communisme, prônant à ce point le partage économique qu’il ne laisserait plus de place aux libertés individuelles. Quoi qu’il en soit, cela ne doit pas correspondre à une grosse demande populaire, car c’est un assortiment de valeurs pour l’instant virtuel, à ma connaissance.

L’inverse existe, lui, bel et bien, et aurait plutôt le vent en poupe à ce qu’il paraît.

Alors, penchons-nous dessus : c’est quoi cette société qu’on nous propose où on a plein de libertés sociales, mais où seule une minorité peut en jouir, puisque l’économie fera, de fait, le tri entre ceux qui ont les moyens de le faire et ceux qui ne les ont pas ?

C’est un genre de mirage, qui fait plaisir à regarder car les libertés promises sont belles, et pour sûr, elles le peuvent, puisqu’elles ne seront distribuées qu’à un petit nombre. Alors que ces utopistes de candidats « L-P » promettent des droits pour tous… pfff, n’importe quoi.

C’est beau, ce nouveau centrisme, c’est bien dans l’air du temps, économiquement et socialement, mais ça concerne qui ?

Tout se joue là, justement, c’est que la liberté sera magnifique, mais qu’il faudra faire partie des petits privilégiés pour l’atteindre réellement. Ca plaît, ça, l’idée qu’on fait partie du lot, qu’il y en a autour qui nous regardent en bavant.

Franchement, s’il n’y a personne pour nous envier, à quoi bon jouir de la vie ?

Un ovni, situé juste en dessous, nous promet la grosse punition, comme du temps de papa : tu fermes ta gueule et tu raques pour qu’on puisse se la couler douce aux frais de la princesse. Je suis curieuse de voir combien ce programme peut rassembler de votants… Combien, dans notre pays, y a t’il d’hommes, hétéros, riches, réac’ et ennuyeux ? on verra ça en avril, sauf si… enfin, on verra (note post-premier-tour : y'avait pas que des hommes ! y'a leurs femmes soumises aussi, et ça fait 19%, mais la bonne nouvelle c'est qu'ils sont pour la plupart âgés... reste à ce qu'ils ne soient pas remplacés par une nouvelle génération de clones ?) .

A l’opposé de ça, nous avons les deux premiers, ces utopistes qui nous promettent le beurre et l’argent du beurre, comme des enfants qui n’ont pas bien appris leur catéchisme et ne savent pas qu’à un moment donné il faut souffrir pour que d’autres soient beaux.

La question que je me pose_tout en sachant bien ce que la présidentielle a de « séducteur », de personnification et donc de subjectif, pour l’électorat_, cette question donc, c’est, si l’on écarte le vote « irrationnel » (à la gueule du client) et qu’on ne s’attache qu’aux idées proposées dans les programmes : à quoi ressemble aujourd’hui le paysage électoral ?

Qui veut aujourd’hui des libertés sociales pour tous ? A peu près tout le monde sauf la manif' pour tous, grosso modo.

Et qui veut partager les soussous ? Un peu moins, sans doute. On doit avoir ici une ligne de démarcation qui doit varier selon le ressenti psychologique de chacun, sa feuille d’impôts, les heures qu’il fait pour pas grand chose, sa peur de perdre son emploi, de ne pas pouvoir payer ses crédits, ou sa jalousie vis à vis de ceux qui lui semblent moins légitimes que lui pour avoir les mêmes droits. Ca fait beaucoup de données. C’est là que se joue l’élection, c’est clair. On peut vivre avec peu et pourtant ne pas avoir envie que le partage soit fait, de peur, peut-être, de finir avec encore moins. Ce n’est pas moi qui vais critiquer cela, les politiques nous ont déjà montré à maintes reprises qu’en terme d’injustices, ils étaient capables de tout.

Il me semble qu’on peut déduire de tout cela que la problématique actuelle se centre quasi-exclusivement sur l’économie (les libertés sociales faisant l’objet d’un consensus net), et que l’électorat peut basculer facilement d’un côté comme de l’autre, selon ses peurs et/ou sa confiance envers les projets qui nous sont proposés.

Ca veut dire, messieurs-dames les politiques, que ce qu’il faut blinder c’est votre chiffrage économique, vos échéanciers, vos méthodes pour allier les contraintes économiques mondiales avec votre programme. Et qu’il faut progresser en pédagogie pour nous expliquer tout bien comment vous allez faire.

Je ne l’ai pas précisé mais je pars de l’hypothèse que les programmes affichés le sont sincèrement, sans mensonge électoraliste. Ma naïveté dépasse l’entendement. C’est ce qui fait mon charme.

Je finis cet édifiant article avec une remarque, en ces temps de gloubi-boulga politique : la gauche, c’est le partage, ça l’a toujours été, clairement : le partage social et économique.

Ceux qui ces dernières années se sont dits de gauche alors qu’ils privilégiaient la finance et les nantis qu’elle engraisse sont des imposteurs.

M. Macron, pour ce que l’on sait actuellement de son programme, est donc un centriste traditionnel : un centriste de droite. Et tous ceux qui le rejoindront sortiront enfin du bois.

Ca fera plus de place dans ma forêt, de l’air et de la lumière pour qu’elle puisse se développer.

dimanche, 22 mai 2016

#unepagepour (Choisir son camp)

C'est une affaire de sexisme qui m'amène à publier à nouveau, mais ce qu'elle m'a enseigné est en fait universel et peut s'adapter à bien des sujets.
Cela fait quelques temps que je furète et me renseigne sur ce que pourrait être résister aujourd'hui.
Le contexte s'y prête, et les sujets sont nombreux à propos desquels l'envie de résister nous prend aux tripes.
Et puis on est pris dans le quotidien, les urgences (souvent relatives), les bobos, les soucis, gagner sa croûte, tout ce qui chaque jour nous fait repousser l'essentiel au lendemain.
Vous savez, l'essentiel ? la fameuse histoire du saladier qu'il faut remplir de cailloux de toutes tailles, des grains de sable au grosses pierres. Si vous ne connaissez pas, elle doit bien traîner quelque part sur le web. Je vous raconte tout de suite la fin, attention, fermez les yeux si vous voulez garder le suspense : la philosophie qui en ressort c'est que, si on veut que notre saladier de vie soit rempli de toutes les choses que l'on souhaite, il faut commencer par y mettre les grosses pierres.
L'essentiel.
L'essentiel, donc : ce qui fait que, s'il n'est pas là, tout le reste disparaît.
L'essentiel, ça pourrait être, par exemple, la démocratie.
Les droits de l'Homme.
Les droits de la femme, à égalité avec ceux de l'homme. Je ne parle que des droits, bien sûr nous sommes différents, mais quand la différence amène l'inégalité, on a déjà perdu un bon peu de ce qui fait l'humanité.

Si nous perdons ces essentiels, il nous restera pas mal de temps, chouette, pour réfléchir à tous les petits soucis qui constitu(ai)ent le reste : rembourser ses emprunts, obéir au chef, ne pas décevoir ses collègues, acheter les bonnes marques à mes gamins, qu'est ce que les invités vont penser si ma maison n'est pas parfaitement immaculée et parfumée ?
Sûr qu'on en aura, du temps, cachés dans un fossé, en prison, ou pire encore, pour cogiter sur tout ce qui sera devenu un souvenir.
Bon, là, à ce stade, si j'ai besoin de vous convaincre qu'on risque si gros que ça aujourd'hui, allez bouquiner l'Histoire des guerres, et vous verrez qu'elles ne préviennent que rarement avant de débarquer. Ensuite, revenez me voir, ça me fera plaisir.

Mais comment on fait, alors, pour résister ?
Et à quoi on résiste ? à qui ? autour de nous tout est pareil, on est tous dans la même galère, à moins de buller dans les hautes sphères, mais ceux là lisent des intellos bien plus côtés que bibi !
Résister, c'est pas un peu grandiose comme terme, pour une société comme la nôtre ? On est pas si malheureux, allez ! Arrêtez votre nombrilisme, les bobos, retroussez vos manches, bougez vous le cul, sortez le nez de votre petit nombril !
Ah, vous êtes déjà revenu ? Tiens, par exemple, ça, j'ai vraiment envie d'y résister.
Aux propos bien-pensants, bien dans le courant dominant, bien conformes à l'indicible norme qui nous gouverne.
Aux propos sexistes aussi, bien sûr, et aux petites attitudes mesquines qui en sont, sans vouloir en avoir l'air.
Aux leçons d'économie professées par des riches "QPLOPPPLT" _des très riches, des qui planquent l'oseille pour pas payer leurs taxes_ qui n'ont aucun intérêt à ce que ça change, donc.
Aux leçons de politique, par les mêmes.
Aux leçons de vie, par les mêmes.
Aux leçons d'économie, de politique et de vie professées aussi par ceux qui ne font pas partie des QPLOPPPLT, non, mais aimeraient bien leur ressembler, et qui se contenteraient bien, en attendant, d'un petit privilège par ci par là, pour pas être comme tous ces minables, ces ratés, ces feignants, ces profiteurs du système et ces assistés en tout genre, quoi !
Mais vous êtes encore là !?
Y'a pas Hanoutruc qui passe à c't'heure ci ?
Résister, disais-je, à tous les diktats, en espérant que ça nous évite d'avoir un jour à lutter contre des dictateurs. Ils ne sont pas si loin. Et ils sont de plus en plus nombreux.
Bon, admettons, lutter contre les diktats quels qu'ils soient, mais comment ? et avec quoi ? nos petits poings ? on a déjà assez de boulot comme ça !
Eh bien c'est là que je voulais en venir : résister comment ? assez simplement, finalement, sans grand bruit mais avec constance et persévérance.
Simplement en choisissant son camp.
Ne plus être un témoin passif mais une personne responsable, engagée.
Encore un grand mot ! Pour des trucs tout bêtes, de gamins donneurs de leçon !
Si c'est si bête comme chou et si simple à faire, alors pourquoi si peu de gens le font ?
La minorité qui ouvre sa bouche haineuse pour porter la parole du plus fort, elle le fait, elle, mais nous, les autres, la majorité silencieuse, on n'a pas le courage de leur faire front.
C'est pourtant pas la mer à boire, juste choisir son camp.

Mais la première chose à laquelle je dois résister, pour faire ensuite la fête à tout le reste, c'est à mon bon vieux laissez-faire, qui frôle parfois, avouons-le, le fameux je-m'en-foutisme.
Résister à cette bonne vieille tendance à relativiser, comparer, se rassurer quoi.
Parce qu'un jour, se rassurer, ça ne suffira plus !
Rassure-moi, il n'est pas en train d'arrêter des gamins, là, le milicien ?
ben si.
ah merde, c'est trop tard là non ?
ben oui.

Prenons un exemple, tiens.
Au moment où on réalise que les femmes les plus haut placées de notre société endurent en silence les propos et gestes de ceux qui ne croient pas en leur fameuse égalité de droits, ceux que, disons le clairement, elle fait même sacrément marrer, cette stupide idée d'égalité ! Une vraie idée de bonne femme tiens ! ou de tarlouze ? rha ha ha elle est bonne celle là, t'es impayable Pierre-René-Patrick !
Bon, restez, après tout, on n'est pas sectaires.
Donc, à tous ceux qui voient passer ces gestes, qui entendent fuser les remarques, dès lors qu'il y a au moins deux témoins courageux, ce que je vous propose, c'est de le mettre en ligne, sur un site, je sais pas moi, un truc moderne, j'y connais rien, vous m'avez pris pour qui ?
Bon, bien sûr, on parle ici de propos public, collectif, pas de dénonciation de choses faites en privé, c'est grave pareil, bien sûr, mais ça ne peut se régler qu'en individuel, devant la loi.
Non, on parle bien des actes publics, volontairement provocateurs, des trucs qu'on balance fièrement devant une assistance qu'on pense acquise ou du moins suffisamment habituée pour ne pas les relever. Le douillet entre-soi, la petite zone d'influence qu'on estime posséder. Et rien ne nous contredit.
Sauf...
Sauf si on arrête de laisser passer. Et si on publiait ces actes nominativement pour que tout le monde puisse les connaître ?
Rien que ça, déjà, ça en calmerait pas mal.
Une petite décision et c'est le point de bascule. Le changement de camp de la honte. L'obligation d'assumer ses actes devant la République et pas que devant un petit public.
Et c'est valable pour tout.
Qui essaie ?
Une page pour le sexisme, une page pour le racisme, une page pour l'homophobie, #unepagepour... à vous de jouer !

jeudi, 22 janvier 2015

Paroles racistes

Etre contre toutes les formes de racisme c'est bien, l'expliquer c'est encore mieux.

Quand vous entendez... :

"les noirs sont cool"

"les arabes sont cultivés"

"les juifs sont marrants"

"les chômeurs sont démotivés"

"les enfants sont égoïstes"

"les ados sont individualistes"

"les femmes sont intelligentes" (profitons de l'occasion !!)

"les handicapés sont courageux"

"les vieux sont tristes"

"les Français sont chauvins"

"les socialistes sont mous"

"les syndiqués sont pénibles"

"les politiques sont véreux"

"les chefs sont vicieux"

"les éboueurs sont malheureux"

"les gens de Charlie Hebdo sont provocateurs"

"les boulangers sont gros"

"les boulangères sont volages"

"les patrons sont cupides"

"les célibataires sont fêtards"

ET MÊME :

"les électeurs du FN sont racistes"

ET SURTOUT :

"26% des musulmans sont hostiles aux caricatures de Mahomet"

"35% des ménagères de moins de 50 ans aiment TF1"

"50% des collégiens croient à la théorie du complot"

"40% des athées se foutent de la laïcité"

"12,5% des femmes à gros nichons trouvent que ça leur pèse"

... et toutes ces sortes de sondages que vous pouvez inventer à tours de bras (vu que c'est comme ça qu'ils font, ceux qui nous les assènent, ils les inventent et ensuite ils nous imposent les résultats comme représentatifs d'un ensemble),

eh bien, donc, quand vous entendez toutes ces phrases, vous baignez dans le racisme, et du coup, si vous les entendez sans réagir, vous vous laissez emmener par le flot du racisme contemporain et quotidien.

J'ai beau être une femme, avoir moins de 50 ans, des gros nichons, un gros nez, être salariée, aimer courir, avoir deux enfants, mettre des talons plats, porter mon sac en bandoulière, habiter en pleine cambrousse, mettre de l'huile de noix sur mon fromage de chèvre, être abonnée au Canard, avoir les pieds égyptiens, les cheveux châtains, un mec adorable et deux chats sauvages, ben, bizarrement, je ne me sens représentée par aucune de ces catégories !

Et d'abord, j'ai JAMAIS été interrogée par qui que ce soit pour un sondage !

Je suis moi et je suis énervée à chaque fois qu'on généralise sur mon compte.

Comme chacun de vous je pense.

Résolution pour 2015, donc, ne plus laisser passer des paroles racistes, et, en particulier, tous les sondages présentés de façon générale.

"30% des femmes sont vaginales", ça ne sonne pas pareil que "nous avons interrogé 223 couillonnes qui passaient par là ou qui n'avaient rien de mieux à faire que de répondre à un sondage téléphonique, nous leur avons demandé "êtes vous vaginales ?", 30% nous ont répondu oui, on a été assez cons pour les croire, mais bien moins que vous qui prêtez ne serait-ce que la plus petite attention à notre blabla".

2015, c'est partiiiiiiiiiii....

samedi, 10 janvier 2015

CHARLIE

dimanche, 28 décembre 2014

la famille belle y est

au cinoche

elle y est, au cinoche

La famille Bélier, une famille de lutteurs.

Leur vie ? une lutte.

Elle a l'air de rien, comme ça, la mère, avec ses immenses sourires niais, mais en fait c'est elle le cerveau de la lutte.

Elle n'a jamais pu blairer les entendants. Elle s'est mariée avec un non entendant. Ils ont fait des enfants. Et ça doit pas être facile d'élever des enfants dans notre société quand on a fait le choix de ne pas lire sur les lèvres ni utiliser le langage parlé. Pour ne pas avoir l'air d'un "débile". Monsieur Bélier ne parle pas non plus, pour la même raison, mais lui il lit sur les lèvres. Il a combattu son dégoût ou alors il en avait un moins fort, je ne sais pas.

Ils ont dû en rencontrer, des cons entendants, pour en arriver à ce point de lutte.

Et puis, comme si ça ne suffisait pas, ils ont repris une ferme et ont voulu faire vivre leur famille du fromage et du lait fabriqués par leurs vaches. Cette lutte là aussi ils l'ont réussie. Et c'est pourtant pas rien, même quand on entend très bien. On te prend déjà pour un con quand tu fais paysan, alors imagine si tu souris bêtement.

Quand ils se sont jetés dans la lutte anti-cons au point de faire campagne pour les municipales, c'était un poil trop pour leur fille, et ça a été le détonateur de la mutation, qui de toute façon allait arriver un jour où l'autre, comme chez les entendants, les cons et les moins cons : le départ du nid des enfants devenus grands. L'envol.

Je ne m'enfuis pas, je vole.

De mes propres ailes.

J'ai plané pendant une heure et demie. De plus en plus haut. Main dans la main avec mon petit, pas encore assez grand pour voler.

Pas encore.

Je n'ai rien d'autre à dire que merci. Merci pour ce film de luttes, lutte pour vivre, lutte pour être accepté, lutte pour faire ses propres choix, lutte pour être reconnu, chacun lutte pour ses propres convictions, et ils avancent quand même côte à côte. Famille Bélier ou pas.

Faut dire que, chez les béliers, la lutte, c'est aussi la façon dont on fait l'amour.

Que 2015 soit une année de luttes exactement comme ça.

PS merci aussi pour ce film de symboles vibrants, à l'image de cette main paternelle posée sur la gorge de sa fille, vibrant du chant qu'il lui avait demandé. Dernière mainmise du père sur cette gorge, tournée à présent vers un autre. Main qui étreint, au lieu d'étrangler, main qui reçoit le message 5 sur 5, tellement mieux que pas mal de pères entendants. Miche-miche, même en bélier affreusement barbu, qu'est ce que tu m'émeuh.

samedi, 2 février 2013

Expliquez-moi le débat, comme si j'avais 7 ans

Pourquoi le débat sur l'homo-parentalité soulève-t-il donc tant de haines? J'ai entendu cette question l'autre jour à la radio.

C'est vrai ça, on dirait que ça cache autre chose, de plus ancien, de très enfoui, comme... la domination d'une partie de la population sur l'autre ?

J'arrête là, je vais développer, mais je vous raconte le déclic :

-Dis papa, c'est quoi la définition de "papa" ?

Cette question, ce matin, que j'entends depuis la pièce au dessus, me fait réfléchir.

Le débat du moment, sur le thème "un papa, une maman et pouët pouët tagada", doit en être la cause.

C'est quoi un papa ? un père d'accord, au sens biologique c'est le fabriquant, et bien souvent le semeur, de la petite graine.

Mais le PAPA ?

Ben, c'est la personne privilégiée qui s'occupe de l'enfant, et que ce dernier appelle donc de ce doux petit nom.

Privilégiée, c'est le cas de le dire : d'abord, c'est une grande chance d'être autorisé à tisser ce lien avec un gamin, qui nous offre en retour sa confiance pleine et entière et la beauté du monde vu par ses yeux. Privilégiée, en revanche, c'est aussi un peu de notre faute : c'est nous qui lui apprenons au plus tôt qu'il n'y a qu'un papa. Et qu'une maman. Sacrilège de penser autrement !

Et pourtant, les enfants, ils commencent comme ça : ils appellent tout le monde "maman" !

Mon gars, le deuxième, à ses débuts dans la parlotte, il appelait "maman" sa mère, son père... et son grand frère ! que ça faisait moyennement rire, mais ça c'est parce qu'on l'avait déjà bien formaté.

Il aurait appelé pareil ma belle-mère, c'est moi qui aurais moins ri, c'est sûr, mais ça prouve juste que je suis encore plus formatée.

Parce que n'empêche, le petit, il sait, lui, qui s'occupe de lui avec attention et soin, et TOUS il a envie de les appeler pareil, sur un pied d'égalité : maman. Bon, il n'y en a qu'une (à priori), qui lui donne la tétée avec ce qu'elle porte sur elle, mais c'est la seule différence, celle-là a une option mais pour ce qui est du reste, elle est où la nuance ??!

C'est quoi la différence entre papa et maman ? L'anatomie, OK, mais on ne l'expose pas quotidiennement à nos gamins, et ce qu'il voit, lui, c'est donc la partie émergée de l'iceberg : alors, on dit quoi ? allez, brainstorming !

-papa pique,

-maman allaite,

-papa a une grosse voix,

-maman fait la cuisine... hopopop ! arrêtez un instant... y'a un p'tit truc qui me gêne.

Il y a des différences, soit, mais à partir desquelles on entre dans la construction artificielle d'une image type ?

"Papa ne fait pas la vaisselle", "papa lit le journal", c'est clair, on est dans la vieille patriarchie pourrie, ça ne sera donc bientôt plus qu'un mauvais souvenir.

-Papa pique, maman allaite, OK, même si certains matins c'est l'haleine de maman qui pique et papa qui sert le lolo, dans les premiers mois ça reste assez incontournable.

Mais à part ça ?

-Papa a une grosse voix, ah bon ? alors les mamas italiennes, c'est des papas ?

-Maman a une douce voix, elle me console et me chante des berceuses, ah bon ? alors un papa tendre c'est une maman ?

-Papa fait preuve d'autorité, il fâche quand on dépasse les limites, ah bon ? alors maman, quand elle est seule à la maison, on danse sur les tables et on pisse dans les verres ?

"Bon, allez, ça va", dit la grosse voix (du patriarche... schhht), "vous le savez bien, quoi, un papa, c'est viril tout simplement, et une maman c'est féminin".

Aheum... non, je ne sais pas. Expliquez-le moi...

tiens, comme si j'avais sept ans !

Je sors mon dico des juniors, et je l'ouvre à la page "virilité". Je lis : "caractère viril". Bravo les comédiens !

Je suis un gosse courageux, je remonte donc à "viril" : "qui a les caractéristiques qu'on attribue d'habitude aux hommes".

Intéressant.

Viril égale homme.

Non non.

Viril égale ce qu'on nomme "D'HABITUDE" comme "homme".

Et féminité tiens ? "féminité : ensemble des qualités attribuées à la femme".

On s'arrête sur le mot "qualités" ? héhéhé... bon, passons.

Ici encore, les qualités sont donc ATTRIBUEES.

Mais par qui bon sang ?

QUI a de mauvaises habitudes et attribue des trucs, comme ça, sans rien demander à personne ?

Ah ben c'est pas moi, non... c'est sans doute ceux qui décident de tout depuis la nuit des temps. Et qui voudraient pas trop que ça change.

Je vous passe les détails sur le terme "masculin", ça ne nous apprend rien de rien : masculin, féminin, la seule chose qu'on puisse vous dire c'est que ça s'oppose, on les reconnaît bien, bah oui dans notre société on a tout fait pour ça : avant le masculin, c'est "le", avant le féminin, c'est "la".

T'as compris ? c'est pas compliqué.

Non.

J'ai pas compris.

J'ai compris qu'il ne faut surtout pas les mélanger, oui, qu'il faut toujours savoir faire la différence entre les deux, mais justement, moi, je ne comprends pas COMMENT ? C'est très simple, oui, mais c'est trop simple. Moi j'ai sept ans on a dit, et c'est à sept ans qu'on apprend le monde, alors soyez plus clairs !

Personne ne veut m'expliquer ? C'est pas grave, je vais me servir de mon cerveau (soulever les cheveux).

Revenons aux bases : féminin, ça vient sans doute de nos caractéristiques biologiques : on allaite, on porte des nénés, on porte des bébés (dis donc, qu'est-ce qu'on porte !), on vit notre vie par cycles de 28 jours. On n'a pas de barbe, on n'a pas de moustache non plus, pour la grande majorité... mais on a des poils quand même. Si, c'est à ça que sert l'outillage de votre femme dans la salle de bain, à les enlever justement. Lourde tâche. Inutile tâche. Coupons court. (l'humour, c'est féminin non ? ).

Quoi d'autre ? on a la voix moins grave, les muscles moins développés, oui, OK : tous les caractères secondaires liés aux hormones sexuelles, quoi, donc au fait de porter des couilles (ça va, vous ne portez pas trop lourd, vous ?) ou des ovaires. On est plus petites, plus grasses, on a la peau plus fine, pas de pomme d'adam, le bassin plus large, les os plus frêles, OK, OK, OK, j'admets, je note, je ne conteste pas.

Juste je précise que tout ça, déjà, c'est EN MOYENNE.

Ben oui, il y a des femmes plus ou moins viriles, et des hommes plus ou moins féminins, et l'inverse. Parfois il y a même des femmes qui battent des hommes, c'est donc la preuve que virilité et féminité, c'est très relatif : ça dépend qui ! Pis aussi y'a des femmes très très bêtes, c'est bien la preuve ça non ? OK, je sors...

Me revoilà, pour ajouter quand même le plus important :

et pis surtout, SURTOUT ! Personne n'a dit que nos caractéristiques physiques avaient des conséquences en matière d'éducation parentale ! Ni en termes intellectuels, ah ça non ! On est TOUS capables de douceur, de fermeté, de tolérance, de patience, d'inventivité, de réactivité, d'ouverture d'esprit, d'espièglerie, de franchise, d'humilité, d'humanité bref : de montrer l'exemple quoi.

Plus ou moins, bien sûr, en fonction des personnes, mais ça n'a rien à voir avec leur appartenance à un genre !

Ah ça non, aujourd'hui PLUS PERSONNE NE LE DIT.

Ou plutôt, plus personne n'OSE le dire.

Alors à la place, ils disent : "un papa, une maman, et pouêt pouêt tagada".................

Passque c'est très important de faire la différence entre les deux.

Bah oui, sinon, comment on sait c'est qui qui gagne à la fin ??!

Deux papas, deux mamans, ça va pas non ? Alors c'est QUI le chef ?

Si je vous dis que je trouve qu'il devrait y avoir autant de papas et de mamans que le petit en veut (et qu'il devrait pouvoir les appeler comme il veut en plus), ça ne vous étonne pas, venant de moi.

C'est pourtant bien loin du débat.

La vraie question qui hante les conservateurs les plus haineux, c'est de maintenir la DIFFERENCE entre une maman et un papa.

Et maintenant, vous savez pourquoi.

Vous pouvez lire entre les lignes du débat.

dimanche, 13 janvier 2013

concrètement, l'enfant

Le moment, où l'on parle du mariage pour tous, est mal choisi pour débattre de cela.

Je suis pour l'ouverture des droits à tous, sans discrimination.

Se battre contre l'extension d'une liberté me paraît d'ailleurs inimaginable dans un monde moderne. Honte à toute manif qui milite pour une privation de droits.

C'est sans doute le statut du mariage qu'il faudrait changer, car pour moi, mariage et enfants sont totalement dissociables, on peut se marier sans vouloir d'enfants, et vouloir des enfants sans avoir envie de se marier, les lier relève d'une conception patriarcale de la société qui est heureusement vouée à disparaître.

Cependant, en ce qui concerne les droits de l'enfant, et en les séparant donc clairement de l'actualité, cela fait longtemps qu'on aurait dû avoir un débat républicain sur l'encadrement des soins et de l'éducation qui sont donnés aux personnes mineures :

-on n'a pas le droit de priver un enfant de la connaissance de ses parents biologiques (géniteurs), ni du lien qui les unit, aussi loin qu'ils ont envie de le tisser ensemble, et ce même si l'enfant a aussi d'autres tuteurs.

-pouvoir concevoir un enfant ne veut pas dire qu'on est capable de l'éduquer seul (on peut avoir besoin d'aide pour ça, si on manque de moyens physiques, intellectuels, psychologiques ou d'autonomie), et inversement, ce n'est pas parce qu'on ne peut pas concevoir un enfant qu'on n'a pas la capacité d'en éduquer un, d'être tuteur.

Ces deux étapes de la vie sont entièrement différentes : la capacité biologique est donnée à certains, et elle ne doit pas être la condition indispensable et nécessaire à la mission de tuteur, c'est totalement arbitraire.

-l'enfant, surtout en bas âge, a un besoin relationnel évident, qui se tissera avec ceux qui prennent soin de lui, et, parmi eux, si celle qui fabrique son lait est en capacité et a envie de le lui donner, vu les échanges relationnels qui se tissent pendant l'allaitement, rien n'autorise à l'en priver ! Je suis loin d'être réac, je suis sûre que des hommes peuvent materner avec amour, mais le lait maternel est produit par des organes qu'ils n'ont pas et il reste le meilleur pour l'enfant, dans la mesure où il est donné avec bonheur et amour, et je serais choquée qu'on sépare artificiellement l'enfant de sa mère à la naissance pour le nourrir de biberons. Il en va d'ailleurs de même pour le père biologique, qui est en droit de donner son amour à l'enfant, comme son enfant est en droit de le recevoir.

Louer un ventre, donner son sperme, sont pour moi des actes incompréhensibles. Pourquoi tenir à initier une conception en dehors de tout amour entre les géniteurs, quoi qu'il en coûte ? La seule raison que je vois est la difficulté d'adopter un enfant, mais si cette adoption est facilitée, notamment par l'autorisation de multiplier le nombre de tuteurs pour chacun d'entre eux, le problème ne se posera plus :

-l'enfant, en grandissant, a besoin de nombreux tuteurs successifs ou simultanés pour se construire de façon équilibrée, il faut donc autoriser toute personne que ses parents choisissent pour lui, puis que l'enfant désire avoir dans son environnement, à exercer la fonction de tuteur pour lui.

En résumé, quand l'enfant est trop petit, essayons de ne pas briser le lien qui le rattache à la vie : les bras et le sein de sa mère et de son père (même si d'autres peuvent tisser un lien en parallèle, évidemment), et quand il grandit, laissons le choisir qui il le désire pour guide, encore une fois sans en limiter le nombre.

Toutes les relations se complètent, elles doivent s'harmoniser et elles y arriveront dès lors qu'elles sont toutes basées sur le désir de guider et d'aider un enfant à devenir un adulte autonome et heureux. On ne doit pas en exclure une sous prétexte d'en bâtir une autre.

Arrêtons de toujours relier l'amour à l'adjectif "exclusif" ! ...dans tous les domaines.

merci au juge J.Pierre Rosenczveig de m'avoir donné l'occasion de poser mes idées au clair, par son article du 12 janvier 2013

samedi, 12 janvier 2013

13ème billet : Coup de balai au village des Gros-Nez !

Nous sommes en 2013 après Jésus-Christ, toute la Terre est occupée par le Profit... Toute ? Non ! Un village peuplé d'irréductibles Gros-Nez résiste encore et toujours à l'envahisseur. Et la vie n'est pas facile pour les cohortes de petits soldats des camps retranchés de Toupourmapum, Cémonaérodrum, Pourunmondemonochrum et Vivelatum...

Le petit village que nous connaissons bien se réveille, en ces premiers jours de l'année, encore tout secoué par la révélation qui vient de pulvériser ses plus anciennes croyances... le héros, l'emblême, le plus gros de tous les Gros-Nez n'était en fait qu'un imposteur ! Celui qui, depuis toujours, incarnait la philosophie gronézienne toute entière, par sa trogne tout d'abord, hostile à toute retouche bien-pensante et conventionnelle, vient de montrer son vrai visage : sous son gros pif se cachait en fait, forcément, un tout petit nez retroussé, aquilin et arborant la finesse qui manque par ailleurs à ceux du royaume de Donnemoiçaouchtaçum. C'est obligé.

Tempête dans une narine... celui qui s'était toujours refusé à accorder la moindre importance à ce qui n'était pas la fête, les copains et le partage, vient de s'enfuir, avec un chaudron rempli de sesterces, dans un village noir comme la mort, triste comme un jour sans rigolade, pour s'asseoir sur son chaudron et compter indéfiniment son or...

Remarque, on aurait pu s'en douter : pour jouer Cyrano il avait dû porter un nez postiche... tout s'éclaire !



Heureusement, la tristesse ne règne jamais longtemps dans le village que nous aimons tant, et, après avoir fêté leur authenticité retrouvée, tous les Gros-Nez sont retournés à leur vie de rires et de franche camaraderie, dans l'espoir d'emmerder encore et toujours plus l'envahisseur.

Que ceux qui aiment les aventures d'Astérix lèvent le doigt !

Et pourquoi vous aimez tant ça ?

Moi, en les relisant avec quatre petits yeux tout neufs (enfin deux derrière des lunettes toutes neuves, mais tout neufs quand même), j'ai compris. J'ai compris pourquoi j'étais anticapitaliste, pourquoi j'aimais tant la justice, la franchise, le partage et l'amitié, pourquoi j'enviais les hommes aussi (au début hein, plus maintenant, faut pas pousser, d'abord Astérix et Obélix, avec leur vie de célibataires, ils ne sont ni hommes ni femmes, ils sont tous les humains !), enfin bref, j'ai compris : je suis du village des Gros-Nez !

Regardez les dessins : tous ceux qui ont des visages réalistes sont du côté des Romains (même Lino... snif. Enfin chuis sûre qu'il ne lui en faudrait pas beaucoup pour passer la frontière). Alors vive les gros tarins ! et ceux qui les assument. Et les portent fièrement.

Il y a un début à tout, regardez la dernière aventure d'Astérix au ciné : il est enfin de gauche ! On attendait ça depuis tellement longtemps. Goscinny peut enfin sourire tranquille dans sa tombe. Je le sens (avec mon gros nez), 2013 est le début d'un tournant, un monde est possible où les gens s'assument tels qu'ils sont et en plus se foutent tellement de tout qu'ils passent leurs journées à se marrer.

Ils sont fous ces humains...

dimanche, 16 septembre 2012

camille voit double

vais-je me spécialiser dans la critique de cinéma ? non, je n'écris pas de critiques.

Je veux seulement partager mes bonheurs.

Camille boit des doubles, Camille voit double... et puis elle redouble.

Il y a beaucoup de références à l'alcoolisme dans ce film de Noémie Lvovsky, mais sans y tomber. On en prend ce qui est le mieux, ce qui fait tenir quand on a décidé d'arrêter :

« Donnez moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer,

le courage de changer les choses que je peux,

et la sagesse d’en connaître la différence. »

C'est aussi une maxime bouddhiste, c'est une bonne recette du bonheur. Et c'est ce que fait Camille.

Je passe sur la jouissance de vivre avec elle ce retour dans le passé, avoir l'impression qu'on peut, nous aussi, toucher du doigt tout ce qu'on n'a pas revu depuis tant de temps (oui, il vaut mieux être un peu vieux pour comprendre ce film, l'idéal est de le voir à l'âge de Camille... j'y serai sans trop tarder), l'émotion profonde de pouvoir sentir, une dernière fois, la caresse de la main maternelle sur notre joue... pour en venir au résultat, à la conclusion de cette aventure, que Noémie ne dit pas mais qui se lit bien et qui donne envie de la serrer dans nos bras pour s'en faire une sacrée copine.

Rien ne sert de vouloir changer la vie, ni les autres, ce n'est pas comme ça que tu trouveras le bonheur, tu risques même, si c'est ce que tu cherches absolument à obtenir, de t'y noyer comme dans un whisky double.

La seule chose que tu puisses changer à coup sûr, c'est toi, ton ressenti, les regrets et les remords qui te gâchent la vie.

Camille essaie de faire tout ce qu'elle peut, pour sauver sa mère, pour sauver son couple, pour sauver sa vie. Mais elle ne peut pas grand chose.

Alors finalement, ce qu'elle change, c'est elle.

Elle n'a rien pu sauver, mais elle a pu profiter des belles choses que la vie lui a données. De son adolescence débridée, de ses parents, de ses amours débutantes, de sa mère avant...

Elle a tout vécu pareil, mais finalement, pas pareil... elle l'a VECU. et elle n'a plus de regrets. Il suffit de peu pour être heureux. Embrasser, observer, sentir, aimer... oser.

C'était la première fois que je regardais un film en ayant l'impression d'être au centre, au coeur du décor. J'en suis encore toute chamboulée.

Merci Noémie.

Et longue et belle carrière à Judith Chemla, au rayonnement surnaturel.

samedi, 10 mars 2012

la mort d'Ulysse

"La mort de l"ours", c'est une très belle chanson que je chante à mes mômes le soir (je sais, je suis une mère cauchemardesque !), et, pire encore (si c'est possible), "Heureux qui comme Ulysse" c'est le film que je leur ai fait regarder hier.

C'est les vacances oui ou m... ?

C'est le film qui m'a le plus bouleversée de toute mon enfance, et je crains que ça n'ait été contagieux hier soir. Quand, au début de la corrida (oui, si vous n'avez jamais vu Ulysse, pas la peine de lire, ça ne vous dira rien), j'ai commencé à avoir des sanglots tellement insurmontables que ça remuait mon petit dernier, 5 ans, calé sur moi, il y a eu comme une explosion de pleurs. On a fini tous les quatre le nez bouché et les yeux rougis quasiment mi-clos...

C'est une très belle métaphore sur la fin de vie, sur le parcours même d'une vie, les bilans, les "morales" qu'on peut en tirer quand on regarde en arrière.

C'est, à y bien regarder (posément, une fois les yeux rouverts après une bonne nuit de sommeil), un hymne exalté à la liberté, à la vie en toute liberté, qu'elle soit de l'homme qui ne s'est pas marié et ne le regrette pas, ou du cheval, qui va finir son existence paisible au milieu des siens, non reconnaissable, fondu dans le nombre, libre et heureux.

Ulysse a quel âge ? Il est "né" en 1970, il a été le baroud d'honneur de Fernandel, son dernier film, un road-movie qui a la saveur de la sagesse, de la transmission de cette sagesse aux plus jeunes générations. Il a, ce qui n'est pas fait pour me déplaire, été mis en musique par le grand Georges Brassens, c'est une belle équipe que voilà, trois vieux chevaux qu'on a envie de voir encore longtemps vivre paisiblement dans leur Camargue chérie. Avant de rejoindre les bras de la Camarde.

Leur vieillesse est belle, elle est forte et pleine de vie, elle montre la valeur des ans et nous ferait oublier pour un instant la vanité de la société jeuniste dans laquelle on vit.

Mais voilà, on revient sur terre.

La terre camargaise est-elle toujours terre d'accueil pour nos vieux os ? Je ne sais pas, je ne la connais pas, il doivent être bien rares les paradis sur terre aujourd'hui... à moins d'être fiscaux. Mais une chose est sûre : le monde actuel est un obstacle majeur à cette vie en liberté.

Ulysse, aujourd'hui, comme tous les chevaux, aurait une puce, il serait reconnaissable entre tous, et par là expulsable de son paradis terrestre, intrus parmi le troupeau bien identifié : la horde n'est plus sauvage.

Et nous ? pucés tout pareil.

Pour votre sécurité m'sieurs-dames.

Et si moi je préfère la liberté ? quitte à être moins bien soignée, moins bien surveillée. De toute façon, pour mes derniers instants, pour ma mort, je serai seule, elle me fera une belle jambe votre sécurité ! Nous sommes si peu de choses, arrêtons de nous croire si importants, vivons un peu avant que de mourir.

Benjamin Franklin a dit "un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux".

Dépêchez-vous de choisir !

dimanche, 30 octobre 2011

moi, mammifère omnivore, être pensant et affamé de lien social

J'ai des poils.

J'ai des seins qui fabriquent du lait.

Je suis douée de conscience et de réflexion mais, quoi que je fasse, je ne pourrai jamais vivre sans :

-de la nourriture, complexe, équilibrée, comportant les oligoéléments que la terre et ses habitants sont les seuls à savoir capter parfaitement pour moi. Et je ne dois jamais oublier que :

Pour manger de la viande, il faut tuer un animal.

Pour faire pousser les légumes, il faut respecter la terre et sa vie.

Il faut du temps pour tout cela, quoi qu'il arrive.

Si je le gagne c'est que quelqu'un d'autre le perd pour moi.

Celui-là aussi a droit à mon respect.

Sinon c'est un peu moi que je perds, aujourd'hui ou demain.

-du lien, du contact, sans cesse et à tous les stades de ma vie :

Quand je suis bébé, j'ai besoin d'un corps, de ses mots, de son lait, de sa chaleur, de sa peau, en quasi permanence.

Si je ne l'ai pas, je serai un être en perpétuel manque. Je n'aurai de cesse de compenser ce manque, par la nourriture, par l'alcool, par la cigarette, par la dépendance aux autres ou aux objets.

Quand je grandis, j'ai toujours besoin de caresses, de tendresse, de lien, plus que jamais. Tout ce que je fais est dans ce seul but, même si je n'en suis pas conscient.

Ma vie n'est rien sans les autres.

Les autres m'aiment, m'aident, me soignent, me nourrissent, m'entourent de leurs pensées, et moi je suis tout cela pour eux.

Quand j'écris, ils me lisent. Quand ils parlent, je les écoute. Leur présence nourrit ma réflexion. Mon existence change la leur.

Ces deux pieds sont mes racines.

S'il m'en manque un, je tombe.

Je ne dois jamais laisser s'installer la distance que la société actuelle tente d'insinuer entre :

ma TERRE et moi

ma MERE et moi

A vous, mes semblables.

samedi, 4 juin 2011

TOMBOY : haut les yeux !

"Garçon manqué"

Film réussi

On a remis ça, oui, on est retournés au ciné en famille.

Et bizarrement, au lieu d'aller voir l'incontournable "Monsieur Papa" (incroyable n'est-il pas ?), on s'est "risqués sur le bizarre", l'OVNI du moment.

Et je ne regrette pas, mais alors pas du tout ! (vous l'aviez deviné, sinon je ne serais pas en train de vous en parler... mes lecteurs sont d'un niveau intellectuel sidérant... j'ai des lecteurs moi ? première nouvelle, merci de me prévenir)

Dommage qu'on ait lu le résumé avant, tout de même, dommage qu'on ait vu la bande annonce aussi (pourquoi dévoilent-ils dans leurs extraits ce qui serait une saisissante surprise ?! bizarre, vraiment). Vous êtes prévenus, donc, arrêtez de lire tout de suite si vous ne l'avez pas encore vu.

Pourquoi ça nous interpelle tant, pourquoi ça nous met autant mal à l'aise de ne pas connaître le sexe d'une personne ? d'un enfant, même ? pourtant encore "asexué". Alors que, zizi ou pas zizi, il reste le même, dans son corps et dans sa tête. C'est nous qui le voyons différemment.

Parce que le sexe est partout. Il dicte nos vies, il imprègne chacun de nos gestes et chacune de nos pensées. Et non ce n'est pas façon de dire qu'on est tous des obsédés : il faut prendre ici le terme "sexe" comme une entité bien plus large que la seule sexualité physique. Même si tout cela en émane. Et en émane tellement que ça imprègne aussi la vie de nos enfants, à l'âge où ils devraient encore s'en foutre comme de leur future absence de retraite...

On a tellement tout calqué sur l'identité sexuelle des personnes qu'il nous est impossible de nous en affranchir, à tout âge.

Tu es enceinte ?! Alors, fille ou garçon ? c'est important, tout de même, pour la couleur de la chambre, des layettes...

Bébé est né, ouhlala ce qu'il crie... c'est une fille ? normal, hystérique de nature. Un garçon ? il se fait la voix...

Bébé grandit, il a les jeux de son genre, son identité sexuelle va croître de façon exponentielle dans les années qui suivent. Papa et maman vont, sans s'en rendre compte, agir en fonction de l'image qu'ils se font d'une fille ou d'un garçon.

Petit gars ou petite fille rencontre les autres, à l'école. Dès la maternelle, les filles discutent dans la cour tandis que les garçons jouent au ballon. A l'âge de la primaire, les jeux sont faits ! Le film le montre simplement : Lisa n'a pas le droit de jouer au foot : "elle est trop nulle".

Laure, elle, a le droit. Elle a le droit de jouer au foot, de se bagarrer, de cracher par terre (chacun ses mauvais goûts), de se mettre torse-nu. D'être bien, quoi, de faire ce qu'elle a envie de faire.

Elle a tous les droits, les droits des garçons. Et elle gagne parfois ! à la bagarre, au foot, à l'amour aussi tiens.

Mais scandale ! c'était une fille ! De quel droit a-t-elle pu faire tout ça ? et battre des garçons en plus ! non, ce n'est pas possible, c'est pour ça qu'on les exclut dès le départ, comme ça on est vraiment sûr que ça n'est pas possible.

Alors, pour faire le tri le plus tôt possible, on préfère savoir tout de suite, savoir à qui on a affaire, mâle ou femelle, afin d'agir en conséquence. Et si tu profites de ces quelques années de bonheur qu'est l'enfance pour jouer de ton "androgynie" naturelle, ne t'en fais pas, tu ne perds rien pour attendre. Le temps te rattrapera, tu devras choisir ton camp. Et si tu as le mauvais goût d'être androgyne à l'âge adulte alors malheur à toi... les deux clans te rejetteront. Tu ne trouveras pas d'allié. Tu devras répondre à des interrogations incessantes. Bonjour m'sieur-dame... monsieur ? madame ? choisis, on te dit, tu ne peux pas rester indéterminé.

Et c'est cette société, ainsi imprégnée, qui voudrait nous faire croire que le sexe est tabou, qu'il doit rester dans les zones sombres de notre inconscient, comme une grosse honte à cacher à tout prix.

Je suis comme je suis, mon corps est une entité, aucune zone n'est plus honteuse qu'une autre, et moi j'ai besoin de tout ça pour exister. Le nier permet de maintenir et la honte dans le clan des "sans-zizi", qui baissent les yeux quand un "avec-zizi" les reluque ou les toise, et la sensation de supériorité chez les seconds, qui n'ont pourtant pas plus à se glorifier dans la chair que les femmes qu'ils soupèsent de leurs regards et de leurs mots.

Non je n'ai pas honte d'être femme, et le prochain qui veut m'y obliger, je l'abats d'un regard-qui-tue. Non mais.

A quand la fin de l'hypocrisie ?

dimanche, 20 mars 2011

Klapisch'é ?

Cédric Klapisch, Karin Viard, Gilles Lellouche. Et les autres, et les autres... et le gâteau à se partager. Une belle forêt Noire, avec l'acidulé de la cerise, le doux-fondant de la chantilly et la force du chocolat... Non, j'ai rien fumé, j'ai été au ciné.

Avec mes gars, samedi soir, cinéma.

"Ma part du gâteau".

Mon moment de bonheur à moi.

Au début... bon, au début on n'y était pas, on est arrivés en retard. Mais à la cinquième minute on va dire, et les suivantes, on se demande souvent si ce n'est pas un peu naïf comme idée. Et si les ficelles ne sont pas un peu grosses. Bon, comme on adore ces acteurs (y compris les seconds rôles, notre "Conti" préféré, le remarqué baroudeur de "Pieds nus sur les limaces" aussi... et les gosses, et les gens...), comme on adore aussi Klapisch, on se laisse aller, on se laisse porter. Lâcher-prise. Elle est belle cette femme. Elle est digne. Elle n'est pas parfaite, elle chante un peu mal, elle boit un peu trop, elle n'est pas toujours "solide comme un roc". Elle est vivante. Ca ne me déplairait pas qu'elle soit ma mère. Ca ne me déplairait pas d'être cette mère. On va au ciné pour voir la réalité ? des gens "normaux" ? oui, on y va aussi pour ça. Des gens imparfaits regardent des gens imparfaits. C'est bon de se sentir moins seul.

Conte de faits.

Je ne dévoilerai pas l'histoire, pas la fin non plus, je parlerai juste de la métaphore, de sa puissance, qui monte doucement et qui vous prend à la gorge, aux tripes, sans que vous puissiez lui résister. C'est mes enfants qui m'ont guidée vers les profondeurs de cette voie : "maman, ce que le policier dit au petit garçon, j'ai trouvé ça pas juste". Non, ce n'était pas juste. Il lui a menti. Il lui a dit "non non, on ne lui fait rien de grave". Alors qu'ils l'embarquaient. C'est quoi cette police ? Elle protège qui cette police ? Elle obéit à des règles, à des lois qui protègent l'argent, pas les gens. Si tu es riche elle te défendra. Si tu ne l'es plus, tu pourras aller crever, comme les autres. Tu n'es rien, une personne n'est rien face au pouvoir du pognon.

Cette police, elle obéit à un pouvoir, à une idée de société qui est tellement moche qu'elle se doit de mentir aux enfants, pour ne pas les choquer, pour ne pas les révolter. Leur faire croire au Père Noël, leur raconter des histoires de princesses et de chevaliers, les couper de la réalité. Le temps que... le temps qu'ils grandissent assez pour perdre leur capacité d'indignation, leur instinct de justice, leur étonnement d'enfant.

Ensuite ils se seront habitués, doucement, progressivement, et ils se laisseront mouler sans révolte à ces injustices du quotidien, à cette société en contresens. Ensuite, ils ne seront plus dangereux.

Maintenons ce mur entre enfants et adultes, tant qu'ils sont encore "dangereux". Tant qu'on a peur de ce qu'ils pourraient nous dire. Enlevons-le ensuite, brique par brique, et observons le beau travail accompli.

Ou alors gardons notre âme d'enfant. Notre spontanéité et notre envie de justice. Et secouons le panier à salade. Bloquons-le.

Sortons la France du fourgon.

mardi, 10 août 2010

Comment la fée est née dans ma tête...

Questions en A.

Amour, Amitié… Ambiguïtés ?

Ou l’Histoire du Prince Charmant qui s’était tiré une balle dans le pied…


A dix ans, j’écrivais solennellement dans mon journal intime « Je suis sentimentale » (« …et obsédée sexuelle » mais là, on sort du sujet). Voui. C’est comme ça que je me voyais : romantique, fleur bleue, attendant mon Prince, comme il se doit.

Mon Prince est arrivé. Il m’a aimée, m’a épanouie, m’a donné deux beaux garçons… et aujourd’hui je lui fais un enfant dans le dos : ce livre.

Traité de liberté, et donc liberté sexuelle entre autres ? Ode à la préservation de l’intimité de chacun ? Et si, finalement, c’était surtout une déclaration d’amour pas comme les autres ?

Que chacun de vous en reçoive le reflet qui lui correspond le mieux.


Bouh… Que voilà un sujet trivial, superficiel ! Un questionnement dont l’intérêt se limite à l’émoustillement qu’il provoque…

Vous en êtes sûr ? Amour, amitié, sexualité, intimité, attachement, voilà un ensemble de notions qui prennent leurs racines au plus profond de chacun de nous, qui nous renvoient l’image de notre personnalité la plus intime. J’ai été étonnée de découvrir, au fil de mes questionnements, que ces sujets prennent même directement leur source dans un domaine qui me préoccupe aussi beaucoup : l’éducation des enfants vers l’autonomie.

Des questions, donc, surtout. Quelques réponses aussi, mes réponses. Tout ceci reste ouvert et évoluera, je l’espère, avec la confrontation aux idées et réponses que ces pages feront peut-être naître. Et qui sait, peut-être aussi que quelques-unes de ces réflexions et leur aboutissement feront écho en toi, lecteur, et t’aideront à avancer sur la route de la connaissance de toi-même, celle qui mène à l’épanouissement de soi et, par rebond, à celui des autres.

Qui suis-je pour avoir cette prétention ? Personne. Juste une personne. Une parmi les autres. Une pierre de l‘édifice. Une maille du tricot.

Ne filez pas ! J’arrête de broder et j’entre dans le vif du sujet.



L’amour, pour commencer

Amour, ange mignon, donc forcément asexué, es-tu si bien placé pour représenter cette notion si célèbre dans laquelle l’homme, en général, englobe toujours et d’abord… le sexe ? Vu comme ça, c’est peu probable.

Alors les « Je t’aime », ces mots qui servent quasiment toujours de préambule aux ébats intimes… sont-ils la partie tangible de la flèche de Cupidon ? Ah oui…l’amour transperce, il fait mal bien sûr, il crée une blessure. Mais d’où vient-elle, cette douleur ? Est-ce la foudre qui fait palpiter notre petit cœur ? Ce fameux…

… État amoureux ?

Qu’elle est puissante, qu’elle est délicieuse cette drogue qui inonde nos veines et nous envahit de ses bienfaits : qu’il est bon de tomber amoureux !

Mais pourquoi « tomber » ? Il est vrai que cet état est malheureusement temporaire… trois ans au plus, disent les scientifiques… tiens ? juste le temps de concevoir et d’élever un premier petit enfant d’homme… pratique !

Mais après ? ça devient quoi, l’amour d’amoureux ? ça nous fait tomber où ? De haut, parfois, lorsqu’on se désembue le regard et que s’envole le voile magique qui transformait l’être aimé en être parfait. Dur, dur alors, pour le couple et pour les enfants. De moins haut, parfois, quand on a eu la chance de tomber sur un amoureux qui se révèle, aussi, un très bon ami.

Mais il devient quoi, alors, l’amour ? De la tendresse ?

Quand l’amoureux devient l’ami : et la tendresse, bordel ?

Le chat retombe sur ses pattes… ouf ! Drôle de parcours, qui mène à l’amitié « par hasard », mais joli parcours ! Le couple est protégé, les enfants aussi, la vie est stable et agréable. Mais la tendresse, ça suffit ? Elle n’a rien d’exclusif, contrairement à l’amour qui l’a engendrée… La tendresse, c’est universel, ça se distribue, ça ne se compte pas. Alors, c’est vraiment tout ? Qu’est-ce qui nous reste, rien qu’à nous ?

L’intimité du couple !

C’est quoi ? L’accolement, la fusion de deux intimités ? Ça ne peut donc être qu’exclusif… exclusif et obligatoire… intrusion du « tue l’amour ».

Alors ça y est, on n’est qu’un, un couple, parfois de parents, et l’on est donc condamnés à le rester ? À se voir tout nus et s’embrasser sur la bouche sans émoi ? À dormir dans le même lit en ayant autant de gêne aux entournures que de confort thermique ? À se demander si l’on fait assez souvent l’amour, par rapport aux couples « normaux » ? À manger la même chose et se voir sans en avoir toujours l’envie ? À se sentir mutuellement les chaussettes sales ? À voir son caca par la même lunette ?

Tout cela est naturel pour deux corps biologiquement semblables, comme un parent et ses enfants… mais pour un couple ? Vous le sentez, le besoin d’air ? L’appel du dehors ? Le désir de préserver sa propre intimité, sa propre intégrité.



L’intimité

L’intime, c’est forcément l’individuel, l’unique. On peut partager un certain degré d’intimité, mais l’entière intimité reste toujours personnelle. Elle n’appartient pas au couple, elle y participe seulement en partie. Sa préservation profonde est d’ailleurs le secret de la longévité de cette association. Chacun de nous en est le seul et l’unique propriétaire, comme il faut l’être du lopin de terre qui nous est indispensable pour vivre. Toute appropriation abusive est le terrain de conflits, comme la propriété d’un territoire trop grand pour soi (la patrie ?) est la cause des guerres.

Même ses frontières sont notre propriété, notre choix : chacun « tolère » un degré différent de contact physique avec les autres, ce sont là les bornes de notre intégrité physique et morale, notre intimité, notre jardin secret. Nous seuls en connaissons les clés et les points sensibles : tel geste nous sera indifférent alors que tel regard ou telle parole provoqueront notre émoi.

Ce sont aussi les limites entre tendresse et sexualité : les extrémités sont évidentes, mais la frontière ? Un massage est-il sexuellement connoté ? Un baiser sur la bouche est-il un acte sexuel ? sensuel ? érotique ? neutre ? tendre ? familial ? À chaque personne et à chaque contexte une réponse distincte _le sein de la mère et celui de la femme logent au même endroit, mais répondent à des émotions bien différentes_, le tout est de respecter chaque sensibilité individuelle.

Car, au coin du bois, apparaît l’inquiétant désir…

Le désir



- On peut désirer un corps, paraît-il, purement physiquement. Ou bien cela ne serait-il que de l’excitation sexuelle ? Je suis mal placée pour en parler, je ne l’ai jamais connu… Les seules rêveries « impersonnelles » que je puisse avoir sont le reflet, je pense, de mon propre désir d’être désirée, voulue, aimée, comblée. Ce n’est donc à mon avis qu’une image du désir, que je recherche, comme tout un chacun, jamais l’envie d’un autre corps, seulement. Cela ramènerait d’ailleurs le corps de l’autre au statut d’objet et, outre que je sois incapable de concevoir une personne comme une chose, je ne peux pas dire que j’aie « envie » de mes mains (ou de tout autre objet) , lorsque je les utilise à des fins intimes… Je n’ai pas de « désir » pour eux, j’en ai juste besoin pour arriver à mes fins.

- On désire, bien sûr, celui ou celle dont on est amoureux. Ouf ! c’est la norme. Zut ! C’est le désir pour un être corps et âme idéalisé, une sorte d’illusion de désir. Il faut, d’abord, qu’on lui plaque nos idéaux pour se sentir, ensuite, irrépressiblement attiré… on n’est jamais mieux servi…

- Enfin, on peut désirer une connaissance, une personne proche, parfois intime, en tout cas assez bien connue*. On glisse alors de l’idéalisation (ou de la répulsion) vers la réalité. Notre ressenti intime varie au gré de la connaissance de l’autre. Car le physique, pour moi en tout cas, est modelé par la personnalité : plus j’apprécie quelqu’un, plus je le trouve beau ! Donc plus je risque de le désirer… Pas à tous les coups tout de même, ne partez pas tous en courant comme ça !

Mais alors, l’amitié peut-être teintée de désir ? Et c’est pas grave ? Et c’est pas interdit ? Et faut pas en avoir honte ? Eh bien oui ! et non ! et non ! et encore non ! Et je dirais même, souvent…

L’amitié

Ah l’amitié. Vaste programme. Qu’est-elle, au fond ? Un lien, non exclusif lui, qui n’engendre, normalement, aucune jalousie, aucune souffrance ni même sentiment négatif, mais un respect et une affection profonds, sans attachement excessif et sans devoirs, sans comptes à rendre. Et en même temps c’est un lien unique, particulier, propre à chaque paire d’amis et variable aussi, pour cette même paire, au sein des différents groupes d’amis. C’est donc une source de richesse infinie, où chaque ami répond à une ou plusieurs facettes de notre personnalité et les épanouit, par son amitié.

Faut-il rechercher l’ami parfait ? Le fameux « meilleur ami » ? Notre sosie exact ? Serait-ce lui l’être aimé des romans ? Ou se révèlera-t-il des plus ennuyeux, au contraire ? N’est-ce pas par leurs différences que deux amis s’enrichissent le plus ? L ‘amitié aide à accepter, à oser ce que l’on rejette parfois sans raison. Les points communs servent de pont pour franchir la barrière des différences et s’en affranchir enfin, pour l’ouverture et le bonheur de chacun. Abusons donc de ces amitiés véritables, de ces liens bénéfiques, uniques et libres, qui ne peuvent nous apporter que du positif !

Quand l’amitié et le désir s’emmêlent

Mais que se passe-t-il lorsqu’un ami devient un partenaire sexuel, potentiel ou consommé ? Quelle baguette maléfique métamorphose ainsi l’amitié en ce danger menaçant qu’est le chagrin amoureux, la souffrance affective ? Que se passe-t-il finalement lorsque amitié et sexualité, intimité profonde, se rencontrent ? C’est ça l’amour ?

Et pourtant… il peut y avoir amour, même non consommé, sans sexualité donc. Et il peut aussi y avoir amour sans amitié… mais d’ailleurs appelle-t-on cela de l’amour ? On dirait bien qu’il est difficile de faire la part des choses… L’Amour avec un grand A n’est-il pas plutôt un don, un respect, sans attente, donné à chacun ?

Mais je m’avance et m’éloigne du sujet : l’amitié change-t-elle, voire même disparaît-elle le jour où elle se teinte de sexualité ? Qu’a-t-elle de si terrible, de si fatidique, cette sexualité, pour avoir un tel pouvoir ? N’est-elle pas un peu diabolisée à tort ? Finalement, n’est-elle pas simplement une partie de nous ?

Mais alors, qu’est-ce qui accompagne la sexualité comme son ombre et qui la rend si…puissante ? En fait, si on y regarde de plus près, l’amitié ne change pas le jour où le sexe s’en mêle… mais le jour où l’attachement s’en mêle ! Elle cesse alors d’être amitié pour devenir attachement amoureux.

Quand on tombe amoureux de quelqu’un, on s’en imprègne à tel point qu’il devient une partie de nous ; la simple idée de son départ, alors, nous brise. C’est un des signes de cet attachement.

L’attachement

Et tout ça pour quoi ? Qu’est-ce qu’il nous apporte, cet attachement, finalement ? Beaucoup d’ennuis…

Si l’on a constamment envie de l’être aimé, si l’on pense à lui à chaque instant et que cet état est réciproque, alors à quoi sert l’attachement ? Il suffit de suivre ses envies et de se rejoindre le plus souvent possible, dans un élan conjoint. Le jour où cette pulsion faiblira, pour l’un ou l’autre, l’attachement du partenaire « abandonné » ne lui servira qu’à souffrir… et à faire fuir l’autre encore plus vite. Quelle est la solution alors ? Lorsqu’on est porté par la « passion » amoureuse, peut-on réussir cette quadrature du cercle : fusionner nos corps et nos désirs avec bonheur et osmose tout en préservant notre personnalité ? notre intégrité ? Peut-on contrôler cela ? Je ne sais pas, mais ça vaut le coup d’essayer ! Qui sommes-nous ? difficile à dire, mais tentons de rester intègres et solides, ce sera plus facile ensuite de l’entrevoir, de le chercher.

Partager des moments d’intimité avec quelqu’un ne signifie pas briser notre intégrité, autant physique que morale. Cet échange se doit simplement d’être respectueux et réciproquement désiré, rien d’autre n’est dû, il ne donne aucun droit à part celui de profiter du moment.

Notre corps nous appartient, même si on laisse l’autre y pénétrer.

Et de même, notre esprit doit toujours être préservé et protégé : l’esprit du partenaire vient s’y adapter, le sublimer parfois, mais il n’y remplace rien ni ne comble aucun « vide ».

Attachement… manque d’autonomie ?

Alors finalement, d’où vient-il, cet attachement ? Il est obligatoire ? Intrinsèque à l’amour ? On se le construit ? Ou l’on nous le crée ?

Qu‘il soit nécessaire pour que les enfants nés d’une union s’épanouissent dans la sécurité, cela ne se discute pas. Mais il se doit de lier les parents à leurs enfants, et pas nécessairement les parents entre eux !

Que ces deux-là se conservent toujours amitié, respect, soutien, solidarité, affection, estime et pourquoi pas… désir ? très bien. Mais qu’ils se mettent à dépendre l’un de l’autre et tout perd l’équilibre !

Les enfants dépendent de leurs parents, oui, le temps qu’on les guide sur la voie de l’autonomie et de l’indépendance, sans les ensauvager, bien au contraire, en les rendant « simplement » libres et heureux de l’être. Libres de vivre leur vie, de créer les liens qu’ils souhaitent et qui leur sont bénéfiques, et pas « en manque » ou en recherche permanente de la personne à laquelle s’attacher pour combler leur vide… et marcher sur trois pattes.

Car, à mon avis, l’attachement, dans son sens excessif tel que décrit plus haut, entre adultes (en pleines capacités d’autonomie physique et intellectuelle, ça va de soi) est avant tout une source de souffrance.

Mais comment faire pour y arriver ? C’est tout de même très dur d’aller à l’encontre d’une pulsion aussi forte… Pour nous, c’est sûr que ce sera un gros travail… mais le plus urgent c’est de donner à nos enfants les bonnes bases pour qu’ils n’aient pas eux aussi tout ce chemin à rebrousser à l’âge adulte. Alors, une solution, ce pourrait être…

…L’éducation à l’autonomie ?

C’est vrai, comment faire pour lutter ? Quel « bonheur » formidable, pourtant, de s’entendre dire « Je t’aime », « C’est toi que je veux », « Tu es la femme/l’homme de ma vie », « je veux faire ma vie avec toi » ! Mais est-ce simplement réaliste ? possible ? honnête ? vivable, même ?

Ça fait plaisir, ça, oui, c’est sûr… et d’ailleurs, pourquoi ? Ah, quel baume au cœur, quel sentiment d’accomplissement, de réussite, d’aboutissement… Allez, sûr que c’est de la psychologie de comptoir mais j’ai envie d’émettre une hypothèse : le jour (tant rêvé) où l’on entend cela, il est possible qu’on pense qu’on a (enfin !) trouvé ce que l’on cherchait depuis toujours, ou depuis qu’on l’avait perdu : l’amour parental ! Le total, l’indestructible, le merveilleux amour de nos parents… et leur admiration, et leur estime.

Je ne sais pas vous, mais moi, toute mon enfance, on m’a « appris » (ou laissé penser) que j’étais incapable de prendre soin de moi-même, de réfléchir, de faire des choix valables, d’avoir des initiatives ou même des paroles dignes d’intérêt…On m’a inculqué (sans le vouloir peut-être, c’était l’époque…) le besoin de l’autre, de son aide, de son avis, de son jugement, de sa présence… la recherche de son amour et de son estime, aussi. Je me suis construite autour d’un tuteur trop rigide qui a laissé, après son départ, l’empreinte de son vide et l’envie de le combler, d’obtenir enfin la reconnaissance et l’approbation parentales, l’amour inconditionnel en fait, que j’attendais tant.

« Ne donnez pas trop d’amour à vos enfants, vous allez les gâter, les pourrir »… qui n’a jamais entendu ça ? J’ai l’impression qu’on raisonne à l’envers :

-quand le bébé est en besoin affectif permanent, on dit « laissez-le pleurer », « il faut qu’il apprenne à dormir seul », « ne le prenez pas toujours dans vos bras » !

-et puis, quand il cherche à faire les choses par lui-même (oh, assez vite, ça commence avant deux ans !), quand il se sent prêt, cette fois, à prendre son envol par étapes, on se substitue à lui, on fait tout à sa place (pas méchamment, hein, mais ça va plus vite, ça « repose » tout le monde de le nourrir à la cuiller, de l’habiller, de le porter, le tenir…), on décide pour lui de ce qu’il doit faire à tel ou tel moment, à la maison, à l’école… On le soumet, ni plus ni moins, à notre volonté, à notre autorité… à notre amour. A la condition de notre amour, plus exactement.

Et si on faisait l’inverse ? Si notre amour lui était acquis, quoi qu’il arrive et pour toujours ? Et qu’à partir de là on soit un tuteur aimant, c’est-à-dire souple, non pas démissionnaire ni qui laisse tout faire, mais qui guide en s’adaptant, en se moulant à la forme, unique, de chaque enfant ; qui le mène vers l’accomplissement mais sans contrainte inutile, sans rigidité ni rigueur excessives. Ainsi arrivée à maturité, notre belle plante pourrait s’épanouir et étendre ses branches vers les autres, se passer enfin de tout tuteur (ou substitut de tuteur) et, campée sur son pied solide, diffuser tout l’amour qu’elle a reçu et qui l’a imprégnée, pour la vie, comme Obélix par la potion magique.

C’est beau hein ? En attendant, moi, on m’a loupée… et je suis (ou j’étais ?) comme beaucoup, je voulais toujours être «LA seule et l’unique », « la plus » pour quelqu’un, pour mon Prince Charmant, bien sûr. Et à vouloir « le plus », le parfait, le formidable, le toujours, on en oublie de profiter déjà d’être là, simplement, à ce moment-là et avec cette personne-là.

Mais quel formatage subit-on, après notre éducation, par la société elle-même, quel bourrage de crâne ai-je reçu pour me sentir encore aujourd’hui une bien belle salope ou, au mieux, une petite conne, en écrivant ces lignes ? Qui m’a fait (et essaie de continuer à me faire) croire que je ne m’appartenais pas ? Que j’avais besoin d’un autre pour vivre ? Pas toi, mon amour, c’est grâce à toi que j’en suis arrivée là aujourd’hui.




Petit aparté : les 13 règles d’or du tuteur aimant

1 Connais-toi toi même, admets tes faiblesses et sers-toi de tes erreurs et de ta personnalité comme d’un outil.

2 Souviens-toi de ton ressenti d’enfant ou, à défaut, place-toi le plus souvent possible dans la peau de l’enfant qui te fait face ; tu comprendras ainsi son sentiment d’injustice, d’incompréhension ou sa blessure, souvent légitimes, et tu gagneras en tolérance.

3 Ne pense pas être supérieur en quoi que ce soit : un enfant peut t’en apprendre bien plus que tu ne lui en apprendras, mais pour cela il faut lui ouvrir ton cœur, l’observer, l’écouter et le comprendre le plus sincèrement possible pour t’adapter à lui, et non le contraire.

4 Donne autant de valeur (et même davantage) à l’enfant qu’à n’importe quel adulte : ne lui refuse pas le droit à l’erreur (casser un joli verre par exemple), le besoin de respect, l’attention qu’il demande.

5 L’enfant, grâce à ses tuteurs, est en liberté protégée : il a une certaine liberté dans ses choix, qui seront respectés, et les coudées franches entre des limites clairement établies le plus tôt possible, pour sa sécurité, sa santé, son respect et ceux des autres.

6 Limite les interdits et tes interventions à leur strict minimum, en quantité et en intensité : un enfant qui apprend à se lâcher ne doit pas être maintenu : le tuteur est là, à côté, prêt à le rattraper pour éviter les blessures graves, mais il ne fait pas intrusion dans son espace de liberté. Cela demande plus de temps (on avance moins vite quand c’est l’enfant qui marche) et plus d’attention (être là pour le protéger, en cas de besoin, donc rester en état de vigilance) mais c’est la seule manière de respecter ce principe de base, essentiel :

Le tuteur n’est pas là pour empêcher, ni même limiter ou corriger les erreurs (c’est là le rôle de l’enfant), il est là pour en limiter les conséquences néfastes et empêcher qu’elles ne soient graves.

Il ne tient pas l’enfant par la manche, il se tient à sa disposition.

Cela implique aussi, bien sûr, une maison organisée pour faciliter la vie à l’enfant, pour qu’il ait le moins possible à demander d’aide (aide qu’on lui accorde, bien sûr, dès que demandée, mais toujours de la manière la plus légère possible, en expliquant pour faire en sorte que cette aide ne soit bientôt plus nécessaire).

7 Pose tes limites, mais justifie toutes tes décisions : les interdits ont des raisons bien fondées, ils n’ont rien d’arbitraire, il faut donc les exposer sans pudeur excessive ni mensonge. Ce temps d’explications, souvent répétées, est un investissement mille fois rentabilisé par la suite.

8 Traiter l’enfant en personne, c’est respecter ses choix, ses activités et ses envies dès que possible, mais c’est aussi lui apprendre à respecter les tiens ! Donner trop de droits à l'enfant en sacrifiant les siens pour lui, ou lui refuser le respect qu'il mérite en lui parlant comme on n'oserait parler à aucun adulte, ce sont deux façons de commettre la même erreur.

9 Pas de zèle, corvées ou sacrifices non indispensables au bon fonctionnement de la maison, en matière de ménage en particulier : en faire le moins possible et faire participer l’enfant le plus possible, toujours en autonomie bien sûr, c’est du temps gagné en commun (faire le ménage ensemble mais aussi plus de temps pour jouer ensemble) et donc de la richesse pour tous !

10 Avoue tes erreurs, tu n’en perdras pas en crédibilité, bien au contraire ! Chaque erreur assumée est un exemple de réussite.

11 Ne refuse jamais un câlin, une marque d’affection, une consolation, ne fais pas de ton amour une monnaie, répète lui aussi souvent que nécessaire que tu aimeras toujours ton enfant pour ce qu’il est, quoi qu’il fasse. Nier une douleur ou un chagrin (« oh, la belle cascade ! ah, ah, ah ! »), ce n’est pas la rendre plus légère pour l’enfant, bien au contraire, c’est l’enfouir, enfouir avec elle la légitimité de ce besoin d’affection et nier la véracité des sensations de l’enfant et la confiance qu’il peut leur accorder.

12 En bref, donne à ton enfant ta confiance (n’aie jamais peur de lui, il est le seul qui ait quelque chose à perdre dans tout cela, toi tu ne peux qu’y gagner !) , et donc la sienne, dans ses choix, ses décisions, ses ressentis, ses capacités à agir et à accomplir une tâche, apprends lui que l’erreur est surmontée par son acceptation et sa prise en compte, elle n’est pas source de frustration ni de souffrance, mais au contraire à l’origine de chaque progrès.

13 Et enfin, n’écoute pas les « il faut », les « il doit », la vie n’est ni une discipline ni un ensemble de contraintes, c’est au contraire un espace de liberté, d’échange, d’adaptation, de respect des différences et d’inventivité !




Les parents, l’école, la société, le travail ont fait de moi un adulte incomplet, non autonome, incapable de suivre sa volonté et ses choix, en recherche permanente d’un idéal et d’un bonheur impossibles… et je ne dois pas être la seule, à en juger par le succès des comédies romantiques et l’efficacité des publicités en général… de tout ce qui touche au magnétique « amour », en particulier.

Sommes-nous des êtres à ce point incomplets que nous cherchions ainsi partout notre « moitié » ? A-t-on nécessairement besoin de fusionner avec un autre ? Pour procréer, oui. Pour vivre, non. Ah, bien sûr, pour élever un ou des enfants, il est préférable d’être (au moins) deux : difficile, autrement, de trouver le temps ET les moyens, tout à la fois, de s’en occuper. Mais cela implique-t-il une relation si exclusive qu’elle en devienne redevable ? Un ami aussi peut nous aider à subvenir à nos besoins ; en échange il ne demande rien : l’amitié est sa seule « garantie ». La confiance est partie intégrante de l’amitié, et ne serait-ce pas finalement la seule chose nécessaire et suffisante à l’intérieur d’un couple de parents ?

Je sais, c’est dur de se convaincre que, si l’autre part courir le guilledou, il n’y a aucune raison de s’en offusquer ni même de s’inquiéter, dès lors qu’on sait que notre relation n’en sera en rien changée. Je ne sais pas moi-même comment je prendrais ça, avec tous mes jolis raisonnements, si ça m’arrive un jour en pleine figure.

Et, même si j’y arrive, il reste encore une grosse épine charnue dans mon petit peton : le poids de la société, son regard pesant.

Les codes sociaux, les interdits culturels

Il faudrait donc non seulement éviter l’attachement (en son sens négatif, bien sûr) hors liens parent-enfant mais aussi parvenir à esquiver la pression sociale qui nous montre du doigt si l’on ne respecte pas ses codes.

Et au fait, ces contraintes ne sont-elles pas contre-productives ? Rendre toute relation intime, extérieure au couple, interdite, c’est la rendre encore plus tentante… Et rendre la sexualité consensuelle et quasi-obligatoire dans le couple, c’est la rendre ennuyeuse et lassante.

Poser que le couple est étroitement dépendant de la fidélité, c’est le rendre fragile, donner des motifs de rupture, alors même que la rupture n’aurait aucun lieu d’être si l’on séparait l’intimité personnelle de chacun de celle du couple.

D’ailleurs, l’infidélité, c’est quoi ?

La fidélité nous trompe

On dirait bien que le mariage, le culte de la fidélité, toutes ces fabrications, censées souder la cellule familiale, maintenir un milieu favorable à l’épanouissement des enfants, sont en fait à double tranchant : l’exclusivité qu’elles imposent, loin de la rendre plus solide, fragilisent au contraire cette cellule par les interdits si tentants, et les désirs et pulsions ainsi créés.

Et puis d’abord, la fidélité, c’est quoi ?

-Ne jamais avoir de désir pour un(e) autre ? C’est raté…

-Ne jamais avoir de plaisir sans le conjoint ? Encore raté… Il n’est pas interdit d’avoir ses propres fantasmes et ses moments de plaisir solitaire encore, non ? ouf.

-Ne jamais avoir de contact intime avec un(e) autre ? Zut, que vais-je dire à ma gynéco ? « Désolée docteur, propriété privée… ». Et à mon bébé ? « Désolée petit, touche pas mes titis ils sont à papa ». Et puis bon, bref, retournez au chapitre « l’intimité » pour vous re-poser la question : ça commence où ?

-Ne jamais prendre de plaisir avec un(e) autre ? Fini les séances de massage, de relaxation, fini aussi les essayages de chaussures… ben oui, les fétichistes du pied, ça existe ! Tout contact est prohibé alors ? Et quand on sait qu’une femme (un homme aussi, peut-être mais je ne sais pas) peut avoir un orgasme dans son sommeil… ça devient compliqué.

-Ne jamais donner de plaisir à un(e) autre ? Alors là, je ne vois que la burka, et encore, car on n’est pas maître(sse) de l’effet qu’on a sur autrui…

-Ne jamais prendre un plaisir partagé avec un(e) autre alors? Un regard intense peut suffire à faire vibrer deux corps… la burka je vous dis, il n’y a plus que ça !

Mais non, vous prenez le problème à l’envers ! Allez directement au but : être infidèle c’est faire l’amour avec un(e) autre, point.

Ah… Alors sucer n’est pas tromper ? Un bon point pour toi, Bill…

Rouler un palot d’enfer, avec extrême émoustillement partagé, ce n’est pas tromper ?

On peut faire l’amour sans plus d’enthousiasme que ça… mais on peut aussi faire très peu en partageant beaucoup. Et puis, même en se limitant à cette logique, on peut aussi se sentir trompé pour pas grand-chose… Surprendre son homme en train de mater des anatomies sur le net, ça peut suffire à blesser, croyez-en mon expérience.

Mais si on y réfléchit deux secondes, de quel droit pourrait-on régenter la vie de l’autre ? Qu’est-ce qui nous autorise à dire que, ça, il n’avait pas le droit de le faire ? Et même si, finalement, comme moi, vous décidez que, ben oui, regarder des minettes sur un écran, outre que ça pourrait lui apprendre des trucs, ça n’est pas bien méchant non plus, vous vous devez de poursuivre votre raisonnement jusqu’au bout :

Alors, ça, c’est autorisé ? Ce tête-à-tête (pour rester correcte, cette fois) glauque et sans saveur, vous le lui accordez ? C’est donc tout ce qu’il mérite ? Tout ce que vous lui donnez le droit de vivre sans vous ? C’est pas un peu mesquin ?

En tout cas ce n’est pas une très belle preuve d’amour.

Si on creuse un peu, est-ce qu’aimer ce n’est pas vouloir le bonheur de l’autre ? À partir de ce moment, on comprend que vouloir priver l’autre de quoi que ce soit qui ne concerne que lui, c’est injuste et c’est aussi tout sauf de l’amour.

Et puis d’abord, ce qui nous gêne, au fond, est-ce que ce ne serait pas, plutôt que l’infidélité elle-même, tout ce qui puisse mettre notre équilibre de couple en danger ? Oh, mais ça, c’est ingérable mon pauvre monsieur… des facteurs comme cela, il y en a beaucoup trop ! Et si on cherchait à le faire réellement, il faudrait traquer jusqu’aux pulsions et émotions intimes de l’autre… et ça, ce n’est plus de l’amour, mais vous l’avez compris, de l’attachement… (ou si vous l’avez oublié, retournez zyeuter le chapitre du même nom)

Je crois que ça devient évident : le seul moyen de s’en sortir, c’est de séparer clairement l’intimité de chacun de la structure du couple. On a bien vu que rendre toute autre relation intime interdite, c’est juste donner des motifs de rupture, or il est une relation qui se doit d’être toujours préservée (et qui n’a d’ailleurs aucune raison d’être rompue) c’est l’amitié dans le couple parental. Elle seule est garante de la protection des enfants. Mais pourquoi devrait-elle toujours rimer avec partage obligatoire d’intimité ? Pourquoi le désir permanent serait-il un dû ? C’est cet aspect obligatoire qui lui fait perdre son attrait, justement.

En liant amitié parentale et sexualité, couple et attachement, on prend le risque de briser toute la chaîne avec le premier maillon fragile… Or il en est une qui ne devrait jamais périr.

Métaphores tentant d’être explicatives

Remettre en cause la fidélité du couple, si ancrée en chacun de nous, n’a pas été une mince affaire, pour moi en tout cas. Il a fallu que je poignarde dans le dos le mythe du Prince Charmant (le prince est vivant, lui, ne vous inquiétez pas !) et avec lui toutes les histoires que j’ai sirotées, petite fille, et que je déguste encore en tant qu’adulte, dans une séance de cinéma sur deux… Mais il faut se rendre à l’évidence : cette notion de fidélité est un casse-tête sans nom ! Le tout ou rien est le seul choix qu’on ait… et comme je n’approuve pas spécialement la burka et que je doute même fortement de l’utilité de la lapidation, j’ai fini par pencher de l’autre côté…

Il n’est pas reproché, dans notre société, de partager son intimité avec ses mains, ou avec un objet, alors finalement pourquoi la partager avec un autre serait-il si différent ? Si ce partage d’intimité reste respectueux de l’autre et de la relation qui nous unit ? Et il le reste, justement, tant qu’il est du domaine de notre intimité et qu’il n’entraîne ni exclusivité, ni jalousie, ni culpabilité d’ailleurs, ni obligations non plus… ni attachement bien sûr !

Des relations d’adultes, en somme.



Résumons-nous, donc :

-il paraît évident que le couple parental et l’amitié qui le lie doivent rester intacts, pour que les enfants grandissent en son sein et deviennent des adultes libres, entiers et autonomes lorsque leur tour viendra de créer ces liens aussi.

-la sexualité n’est pas intrinsèque au couple, elle reste en dehors de ce lien, parallèle en quelque sorte, mais indépendante, propre à chacun des membres du couple ; en avoir une active en commun est la cerise sur le gâteau.

-ce n’est d’ailleurs pas elle qui met l’union ni l’amitié du couple en danger, c’est l’attachement qui en est la principale faiblesse potentielle (je ne parle bien sûr pas de l’attachement parent-enfant qui est, lui, nécessaire et indispensable). Et cet attachement est dangereux pour l’union, qu’il soit interne au couple ou dirigé vers l’extérieur.

Finalement, c’est comme si chacun de nous se devait d’être un pilier, solide, indépendant, tenant seul debout.

A deux, on peut former une arche, l’amitié, qui devient parentale lorsqu’elle se met à abriter des enfants, quels qu’ils soient d’ailleurs.

On comprend alors que chaque pilier puisse former d’autres arches, vers qui il veut, à la seule condition qu’aucune pierre des piliers ne soit ébranlée ou déplacée par cette nouvelle construction. Mais on voit bien qu’en pratique, chaque arche tend plutôt à élargir le pilier et à le solidifier, donc.

Comment arriver, alors, à faire cohabiter ainsi respect de l’autre, sincérité, solidité des liens et maintien du secret de l’intimité de chacun ?

La seule façon, on le voit, est de considérer que l’intimité de chacun se situe au cœur de chaque pilier. La partie partagée, devenue l’intimité du couple, est une extension, propre à l’arche concernée.

On peut ainsi, sans affaiblir ni entamer l’arche, lier d’autres relations intimes ou privilégiées, à partir du pilier.




Tout cela implique, il est vrai, un changement de mœurs et de culture en général, mais je suis persuadée qu’il est possible, et même de note devoir…. Et qu’il ne met aucunement en péril l’équilibre de nos enfants, bien au contraire ! (Imaginez ce beau toit protecteur formé par l’ensemble de toutes les arches du monde ! Les enfants pourraient y circuler à volonté, librement. Moment de rêve…)

L’intimité de leurs parents ne regarde pas les enfants !

Seuls comptent le respect, la cohésion et la tendresse qui unissent le couple, et cette famille.

Oui, on s’est aimés à la folie (et on s’aime toujours) et de ce feu sont nés de beaux enfants, qu’on aimera à jamais, mais oui aussi,notre cœur palpite toujours, pour l’autre ou pour d’autres, nous ne sommes pas restés figés dans ce moment, notre vie continue, elle bouge et nous rend heureux chaque jour, pour votre plus grand bonheur à vous aussi, nos enfants.

Alors, à quand le changement ?

Oser écrire cela a déjà été une épreuve pour moi, ou plutôt une surprise : cela ne me venait même pas à l’esprit, avant de suivre le fil de mes questionnements… Seule pesait, dans la balance, ma culpabilité face au « désir » pour l’autre.

Et mon Prince est si Charmant que je sais qu’il me comprendra…sans en abuser !

Le changement, oui, mais comment ?

Oui, c’est toujours bien joli ces idées, mais concrètement, comment on fait ? C’est fini ? On n’a plus le droit de tomber amoureux ? de succomber à la flamme ?

Mais si ! Mais il y a l’art et la manière…

Ce ne sont pas nos sens qu’il faut bâillonner, mais notre attachement qu’il faut contrôler.

Tomber amoureux, oui, mais sans les contraintes et l’exclusivité qui nous entravent ! Ne pas chercher son reflet (ou celui de ses parents ?) en l’autre, ne pas attendre l’amour qu’on désire pour soi dans celui que l’on donne à l’autre. Tout cela doit nous y aider.

Finalement, c’est la relation à notre ego qui est à viser et contrôler. C’est elle qui influence et régit notre manière d’aimer. Se changer soi, donc, c’est la solution pour sublimer nos relations aux autres.

On tombe amoureux, oui, pourquoi pas, mais on en est conscient, je serais même tentée de dire, non-romantiquement parlant, que l’idéal est d’y consentir tous deux de manière éclairée.

Mais ça casse tout !

Vous êtes sûr ? Tout cela implique qu’on se parle, qu’on prenne son temps, qu’on y aille doucement… et l’attente est aussi agréable que bénéfique, non ? C’est toujours plus de plaisir qu’un tac-tac précipité dans le feu de l’action, vous ne trouvez pas ?

D’ailleurs, je ne sais pas vous, mais moi, pour m’endormir, rien de tel qu’une petite rêverie, yeux fermés, de romance débutante (ah ben oui, on ne se refait pas, je sais), une historiette qui débute, avec le fard et les palpitations des premiers instants où l’on comprend qu’on est la personne que l’autre vise… Mais je m’arrête et je reprends au début si par hasard je ne me suis pas endormie avec la scène du premier baiser,ah ça non ! après, ça n’est plus aussi bien… ça n’a rien à voir même… il faudra décidément que je pense à une petite psychothérapie à l’occasion…

Trêve de digressions, revenons à nos amoureux : cette attente, c’est le temps de construire l’arche, de choisir ses pierres, de la faire solide. C’est pouvoir faire à tout moment marche arrière, être maître de son avancée, ne pas résister à l’embrasement, non, mais en faire un facteur supplémentaire en faveur de la solidité de l’arche, lui donner du combustible, même, créer une fusion qui rendrait cette arche dure et indestructible, encore davantage une fois le feu éteint et la lave refroidie.

C’est l’exact contre-pied de l’expression « tomber amoureux » prise au sens propre : la chute de deux colonnes l’une vers l’autre, éventuellement dans les flammes et souvent avec les dégâts que cela occasionne : le besoin de l’autre pour tenir debout, les fissures, les éboulis de pierres… bref un condensé des conséquences néfastes d’un embrasement.

Je précise ici que je parle uniquement de liens durables : bien entendu rien n’interdit les relations charnelles temporaires et entièrement « gratuites » (et toujours protégées bien sûr !), sans lendemain, c’est simplement différent, la dimension en est uniquement physique, sans autre prétention mais pas sans charme, c’est certain.

Mais dès lors qu’on espère autre chose d’un coup de foudre (ou d’un embrasement progressif, d’une montée lente du désir, d’ailleurs), rien n’est meilleur à mon avis que la franchise et le dialogue.

Quoi de plus excitant que de lier les mots à l’action ? Qu’accéder à chaque étape en pleine conscience de son propre embrasement, du feu d’artifice de ses sens ?

Dire « Tiens, là non, je n’ai plus envie, on reprendra plus tard, je veux en profiter pleinement », jouir de chaque instant en fait, se laisser aller à l’abandon et au bonheur en totale conscience, à chaque seconde.

Voir son désir et celui de l’autre bien en face, ne pas se bercer d’illusions ni se laisser aller sans volonté,, ne serait-ce pas justement amplifier encore l’intensité des émotions ?

Bon, prendre son temps donc… mais aussi et surtout agir objectivement, en pleine conscience et respect de nous-même . Car le temps ne fait pas tout : il ne doit pas, par exemple, nous laisser construire l’arche avec la pierre de nos piliers…

Les liens d’amitié que sont ces arches sont d’une solidité à toute épreuve, ils ne sont pas dépendants de l’usage plus ou moins intensif que l’on en fait ; ils sont là, à jamais, intacts le jour où on les sollicite à nouveau.

La seule menace qui peut les mettre en danger, c’est l’atteinte de l’intégrité d’un (ou des) piliers qui les portent.

Mais chaque amitié véritable vient solidifier et renforcer les piliers porteurs, maintenir leur intégrité par la cohésion ainsi créée.

Conclusion à nouveau : multiplions les amitiés !

Oui, oui, multiplions les amitiés, mais il me manque tout de même quelque chose… il est passé où, l’amour ? … …Ne me dites pas que je dois y renoncer ?!

Alors, fini les « je t’aime » ?

Ah, ils ont beau essayer, même les soi-disant « anti-comédies romantiques » (Gilles Lellouche je t’adore, mais là, tu n’as pas réussi à sortir le film de l’ornière) restent vouées à un seul culte : l’union d’un homme et d’une femme (généralement) dans une relation exclusive et forcément unique… et… au moyen du fameux « je t’aime » tant attendu.

Au fait, vous avez remarqué ? Elles s’arrêtent toutes sur le mot « FIN » lorsque le feu de la passion est consumé et qu’il laisse place à … la vie ! Ah ? Alors la vie est si peu intéressante que ça ? C’est que quelque chose cloche dans ce cas… parce qu’elle prend tout de même beaucoup de place dans… notre vie justement. Et l’on n’a pas le temps de regarder des comédies romantiques tous les jours…

A propos, quand tu me dis « Je t’aime », tu veux dire quoi ?

Je te désire ? …Tant mieux !

Je te respecte ? …ouf !

Je t’estime ? …Chouette !

Je te veux ? …Ah… ça dépend.

Tu es à moi ? …Alors là, non.

Un lien privilégié n’a aucun avantage à être un lien exclusif ni restrictif.

C’est un lien intime, privé, unique, surtout si des enfants en naissent ; il se doit alors d’être durable, respectueux, amical et franc, mais il perd son essence lorsqu’il devient liberticide !

C’est un lien LIBRE entre deux êtres ENTIERS, qui S’ENRICHIT chaque jour ; et non un lien sclérosant qui nous diminue et nous étrique progressivement.

L’amitié comme un cadeau, l’amour comme un don.

Alors ? l’amour ?

Il est dans la terre qui nous a nourris, qui nous tient, c’est d’abord l’amour inconditionnel de nos parents, celui qui a fait de nous des piliers, des êtres, beaux, solides… et rayonnants.

Car l’amour rayonne de nous aussi, vers l’ensemble de ce(ux) qui nous entoure(nt). C’est un don, sans attente, sans calcul, la diffusion autour de nous de ce que l’on a reçu. C’est le respect, l’estime, le soutien, l’empathie vers toute personne, connue ou inconnue.

C’est un don universel, sans destinataire particulier.

Bon… et l’amitié alors ?

Eh bien amour et amitié ont des points communs tout en étant fondamentalement différents.

L’amour est une entité unique, universelle et infinie : il n’est pas limité en quantité, on peut en distribuer sans crainte d’en manquer, quel que soit le nombre de personnes que l’on rencontre. C’est une source inépuisable, tel l’amour maternel (ou paternel), qu’il est possible de donner avec une intensité identique, quel que soit le nombre de personnes ou d’enfants. Je dirais même qu’il s’enrichit et se ressource en étant distribué : il se reflète en l’autre et revient nous réchauffer, encore plus fortement. Chaque être qui le reçoit le redistribue, c’est là sa source et l’explication de son renouvellement infini.

Seul le temps est limité… les amitiés aussi, donc, qui nécessitent du temps pour être bâties.

L’amitié est aussi infinie mais en nombre : chacune est unique, mais il n’y a pas une amitié ; il y a autant d’amitiés que de couples d’amis.

Chaque amitié s’appuie sur un ou plusieurs aspects de notre personnalité (notre pilier) et les rend encore plus solides, les développe, les étend. C’est un lien unique, donc, par sa composition, et privilégié, puisque entre deux être parmi la multitude.

Mais ni l’amour ni l’amitié ne donnent lieu à des contraintes, ni ne privent de liberté.

C’est séduisant, mais ça manque un peu de piquant, non ? Où est passé le désir, où sont le plaisir, l’émotion, le battement de cœur ?

Peut-être qu’un jour on devient assez sage pour s’en passer, mais j’avoue que moi aussi j’en ai encore besoin… est-ce parce que ça flatte mon ego ? Est-ce parce que je n’ai pas encore atteint la félicité permanente qui me rendra ces petits plaisirs bien futiles et minuscules ? C’est bien possible…

Et en même temps, dois-je vraiment m’en priver ? Pas le moins du monde ! Un être libre peut jouir de toutes les possibilités que lui offrent son corps, son esprit, son intimité et ses désirs. Et partager ces opportunités avec qui l’on veut est aussi une manière de s’enrichir… agréablement qui plus est.

Mais pourquoi se mettre volontairement des bâtons dans les roues, des freins et des obstacles en tout genre ?

Pourquoi décider que telle amitié, parce qu’elle serait agrémentée de désir sexuel réciproque, et qu’elle aurait éventuellement donné la vie à des bambins, serait l’Amitié, la seule, la vraie, celle de toute notre vie… celle que l’on nomme abusivement l’Amour ?

Notre pilier, ainsi affublé d’une seule arche bien lourde et encombrante, est déséquilibré ! Certains de ses aspects sont oubliés voire niés et notre personnalité n’est alors pas épanouie dans son ensemble, uniquement dans celles de ses caractéristiques qui répondent aux goûts de l’être aimé.

Pourquoi se priver de la richesse d’autres liens et se restreindre à une relation unique ?

Alors, le hasard, la chance ou la malchance des rencontres décideraient de tout le reste de notre vie ?

La première personne dont on tombe (réciproquement) amoureux serait-elle la seule « valable » ?

Et tisser des liens avec d’autres personnes serait la condamnation absolue de la première relation ? Elles ne peuvent donc pas cohabiter sans se gêner ?

Si, bien sûr, chacun a différentes pierres à apporter à notre édifice, et ces constructions se complètent les unes les autres.

Même le grand Romain Gary (dans Clair de Femme), plein de son amour absolu pour son épouse, a pu du jour au lendemain en faire offrande à une autre, alors…

Le lien puissant qui unit deux êtres, que vous l’appeliez amitié ou préfériez continuer à le nommer amour, n’est pas une condamnation à perpète, c’est un cadeau en forme d’ouverture, un lien vers l’autre en particulier et les autres en général, certainement pas une barrière et encore moins un enclos !

C’est en donnant cet exemple à nos enfants que l’on bâtira la société solide dont le monde de demain a besoin… dès aujourd’hui.

Spéciale dédicace et respect infini à Maria Montessori.

Alors libérons nous, ouvrons nous aussi… et protégeons nous, bien sûr !

Eh bien… c’est ce que je disais… c’est simpliste tout ça !

C’est simpliste, certainement… simple, en tout cas.

Et si la vie était plus simple qu’on ne le croit ?

mercredi, 31 mars 2010

La Princesse et la Grenouille

Quand Walt Disney commence à me plaire…




Un mercredi, une séance ciné avec les enfants… et contre toute attente une bonne surprise.

Je crois, mais je peux me tromper, ma culture Disneyesque (ou assimilée) n’étant pas (encore) exhaustive, enfin bon je crois disais-je que c’est la première fois que je vois, dans un dessin animé (mais les films ne valent souvent pas mieux), une histoire de rencontre qui ne commence pas sur le mode amoureux… et ça réveille en moi l’envie d’un article que je mijotais depuis longtemps (et qui sera en ligne dès que mon fournisseur se donnera un peu de mal…hého, la page blanche, t’as pas fini de t’incruster ?!), donc allons-y gaiement !

Voilà, non seulement « la Princesse et la Grenouille» se passe en Louisiane, à la Nouvelle Orléans, mais en plus la princesse y est noire, et, comble du bonheur, elle ne tombe pas du tout amoureuse du Prince Charmant !! et réciproquement. Enfin, pas au début…

Leurs premières rencontres sont distantes, le Prince ne plaît vraisemblablement pas à Tiana, pas assez sérieux, pas bosseur pour un sou, rien du tout, il a beau être bien beau avec ses yeux noisette, il ne lui fait pas d’effet, mais alors pas le moindre.

Lui, il la drague, comme il les drague toutes, mais sans plus, sans le cœur qui bat la chamade, les cœurs qui éclatent tout autour d’eux, les petits angelots et leurs fléchettes... La vie, quoi. La rencontre banale entre deux êtres, un homme et une femme, qui n’ont pas spécialement envie de se connaître.




Parce que se connaître, pour un homme et une femme, ça veut dire s'engager ou pas. Se faire avoir ou pas. Perdre sa liberté ou pas. Avoir les coudées franches ou pas. Vivre ou suivre. De toute façon, être dans un rapport de forces.

Ou alors t'es vraiment pas un homme si tu la dragues pas.

Et t'es vraiment pas une femme si tu lui plais pas.




Ce qui les retient donc c’est les apparences, leur physique, leurs genres, leurs castes sociales aussi, leurs personnalités enfin, ou plutôt ce qui peut se « deviner » (à tort ou à raison) de leurs personnalités, dans le cadre que la société fournit à leur apparence… la société qui lui dit à elle de prendre garde (même t’il faudra s’y plier un jour, désolée ma p’tite) et à lui de ne pas se laisser passer la corde au cou (mais idem pour toi mon coco).

Mais comment on fait ? Quels sacrifices il faut s’imposer pour passer cette barrière, se jeter dans le monde obligé de la vie de couple, de famille, de convenances ! Tout nous en repousse, les hommes comme les femmes, mais on y va quand même… la pub, c'que c’est efficace, on peut pas dire.

Les voilà donc qui s’éloignent, lui rattrapé par son destin de Prince Charmant, qu’il voulait pourtant éviter (mais le poids de la société, les billets verts, la véritable magie noire qu’exercent sur nous nos congénères, tout cela s’en mêle et là, tu peux pas lutter), et elle qui continue son dur chemin, sa bataille pour vivre une vie honorable et libre, en étant une femme, et juste une femme, pas une femme de.

Vient ensuite (je ne vais pas tout vous dire, sinon tonton Disney ne me paiera pas ^^) LA rencontre, la vraie, la rencontre de PERSONNES, pas celle des apparences. Forcément, c’est pas facile de se fier aux apparences quand on est devenu batracien. Et pour cette rencontre là, oh joie, ô bonheur, la Tiana n’est PAS DU TOUT attirée par le Prince ! Ah bonne mère, on va peut-être enfin pouvoir parler d'autre chose !

C’est pas le coup de foudre quoi, elle se force à l’embrasser parce qu’il faut l’aider, bon d’accord, gentille fille, mais après on est compagnons de galère, amis pourquoi pas, mais à égalité, de grenouille à grenouille, tu vaux pas plus que moi, j’ai pas à te servir, toi t’as pas à me protéger, on reste soi-même et pis voilà, si ça te plaît pas salut.

Et dans ce monde là, dans les marais puants du bayou, au milieu de tous les rebuts de la société, là on peut être soi-même, on peut être maître de son destin, qu’on soit homme ou femme, grenouille ou grenouille.

Et on peut se rencontrer, se connaître, s’apprécier ou non, de personne à personne, d’être à être, franchement, ouvertement, sans sous-entendus. Ensuite on verra, ensuite si on a envie de se serrer dans les bras on le fera, et pourquoi pas puisque rien ne nous y oblige ? ni ne nous y destine, ne nous y condamne. C’est par envie, par choix, librement, que l’on s’unit ou pas.

Bon, je dois vous le dire, au risque de vous attrister : après ça, revient le poids de la société... et comment on va faire si on ne peut plus jamais revoir papa et maman, qui ne sont pas grenouilles ? et on sera triste si on ne revoit pas nos amis du monde terre-à-terre, on ne pourra jamais être heureux au milieu des moustiques, de la vase, des crocodiles, des lucioles édentées, dans le monde libre mais isolé de l’utopie. Hein ?

Ouais, t'as raison, on doit, on ne peut pas faire autrement, rejoindre un jour notre destin. On n’est pas chez Shrek où on peut rester ogre toute sa vie dans un monde d’humains, non là c’est Disney, faut pas déconner, il nous fait les froufrous, les sourires pleins de dents, les yeux qui mangent le visage… et voilà, le mariage, les enfants, elle qui cuisine, lui aussi, bon d’accord, mais ainsi va la vie chez tonton Walt.

Mais ça m’aura donné l’occasion de profiter de cette belle métaphore marécageuse.

Et au fait, notre vraie vie à nous, c’est le château tout rose ? ou on essaie d’en construire un autre ? ou de s'échapper dans la forêt ? comme "La Petite Fille dans la Forêt des Contes" de Pierre Péju...

Vous en pensez quoi, vous ?

PS C’est pas de la bave… c’est du mucus !!

jeudi, 22 octobre 2009

Le côté obscur de la force…

Eurëka ! (ou presque... enfin, un petit ah-ouais pour vous peut-être, mais un grand HIPIPIPHOURRA pour moi !) Je vous raconte : j'en étais toujours à me demander comment s'articulent en nous les différents types relationnels, l'amitié, l'amour amoureux... je sais, je radote, mais finalement ça y est, je crois que j'ai sauté le pas !

Pourquoi on a si PEUR de tomber amoureux d'un ami ? pourquoi c'est comme si on marchait au bord d'un précipice et qu'on ne savait pas quand le coup de vent allait nous emporter (ou pas) ?... comme si on perdait conscience, qu'on tombait dans les pommes, d'un coup.

Et c'est ça : on perd conscience !

Voyez-vous, il existe une... fracture... cérébrale... votez pour moi. Hum, pardon, c'est les pommes, je crois. Non, il existe bel et bien un côté pile et un côté face à notre personnalité :

-un côté conscient, objectif, lucide, auto-critique

-et un côté sombrrrrre : le côté où l'"ego" reprend le pouvoir ! dirigé par nos pulsions et les cachotteries de notre inconscient.

Bon, il y a sans doute des termes déjà éprouvés pour ces données, et puis des manières bien plus scientifiques d'exposer la chose, mais je vous livre mes trouvailles comme elles sortent, dans leur côté pratique, quoi.

Et figurez vous que cette "découverte" a de multiples aspects pratiques !

Vivre en toute conscience, voilà l'objectif, donc. Connaître ses faiblesses, ses "torsions", pour pouvoir vivre avec, sans en souffrir ni se laisser mener par elles, et pourquoi pas même les dénouer doucement au fil du temps.

Pour parler en termes métaphoriques, c'est comme le Père Noël : le jour où l'on n'y croit plus (et devinez : mes enfants n'y ont jamais cru, j'y ai veillé ^^), on peut enfin vivre Noël comme on en a envie, se créer sa propre magie, faire soi-même les cadeaux, être pleinement heureux et savoir pourquoi, grâce à qui ! On n'y perd pas en intensité, non, je ne crois pas, on a toujours des tas d'émotions et de frissons, mais on sait alors trier les bénéfiques de celles qui nous nuisent, et profiter donc encore plus du côté positif de l'évènement ! Et, une fois qu'on le "maîtrise", on peut même faire Noël tous les jours...

Alors, mettons ensemble exemples et applications, pour que ce billet soit digne de la partie "parlons concret" :

Vous connaissez "l'éducation consciente" ?

Moi ça ne fait pas si longtemps.

Et au début j'avais un gros a priori négatif sur ce terme, qui sentait son bon chic bon genre, son snobisme même pas honteux.

Eh bien en fait, c'est simplement qu'il n'y avait pas moyen de nommer cela autrement : éduquer consciemment ses enfants, c'est avoir pris conscience, assimilé, digéré et maîtrisé les ombres tapies dans le fond de notre inconscient. C'est avoir réalisé à quels moments on agit objectivement et à quels moments on ne fait que "suivre" comme un zombie les schémas qui ont été installés en nous quand on était en pleine construction, dans notre jeunesse... c'est un cheminement, progressif, constamment en évolution, qui nous amène à interagir avec nos enfants dans le seul but de les aider, de les autonomiser, de répondre à leurs seuls besoins... et pas aux nôtres, à nos manques, à nos douleurs.

Accéder au côté conscient c'est gravir une montagne, effectuer une lente ascension vers un monde "supérieur" , sans notion de jugement, juste supérieur parce que difficile à atteindre, duquel on a une vue bien plus claire et générale, un recul et une distance face aux remous et au bouillonnement de notre inconscient.

Et "retomber" dans les douleurs et les courants de l'inconscient, c'est un risque permanent, le risque de trébucher sur le chemin qui monte, de glisser et de dévaler la pente... jusqu'en bas. Ca arrive si vite qu'on a parfois bien du mal à ne pas tomber. Et plus on tombe, plus on va vite, moins on arrive à s'accrocher aux branches du chemin. Il faut sans doute travailler sur les moyens de prévention, sur la façon d'éviter de trébucher, il doit y avoir des signes précurseurs, des codes à connaître, différents selon chacun, ça fait partie du travail de l'ascension.

L'éducation consciente c'est donc le désir assumé de ne vouloir que le bien de l'enfant, son bonheur, son épanouissement, sans arrière-pensée égo-centrée, sans assouvissement masqué de désirs personnels. C'est très difficile, c'est impossible d'y arriver parfaitement, mais c'est le meilleur moyen de rendre nos enfants heureux, au présent, au futur, et au pluriel aussi. Leur bonheur retentira sur nous et sur les autres.

Mais vivre "consciemment" ce n'est pas qu'éduquer : c'est aimer aussi.

Finalement c'est traiter tout un chacun comme ses enfants, pour ce que l'on vient de voir : c'est vouloir le bien de l'autre, son épanouissement, son autonomie, sa lucidité, son bonheur en somme, et celui des siens.

C’est l’exacte définition de l’amitié telle que je la conçois.

Et, je lâche le morceau, toutes mes excuses, mais c’est aussi l’exact contraire de l’acte de tomber amoureux…

Aimer l’autre en ami c’est l’aimer tel qu’il est…

…là où tomber amoureux c’est se l’imaginer tel que dans nos rêves, nos fantasmes, nos désirs inconscients : tout sauf la réalité.

Aimer un ami c’est être lucide sur son compte…

… être amoureux c’est se voiler la face, jusqu’à nier l’évidence, et souffrir un jour de ce choc entre rêve et réalité.

Aimer l’ami c’est vouloir son bonheur à lui, et qu'il puisse en profiter en toute liberté…

… être amoureux c’est vouloir au fond son propre bonheur (sans se l'avouer), quitte à priver l’être aimé de sa liberté, de ses droits, de son intimité, pour mieux se les approprier.

Aimer l’ami c’est ne pas avoir peur de lui dire en face ses vérités, si cela peut l’aider à avancer, même si ce moment n’est confortable ni pour l’un ni pour l’autre…

…être amoureux c’est dire à l’autre tout ce qu’il souhaite entendre, pour entendre en retour tout ce que l’on souhaite, même si au final tout cela nous rend malheureux lorsque les masques tombent.

Aimer l'ami c'est accepter, en retour, qu'il nous ouvre les yeux, qu'il nous mette devant nos contradictions, lui qui a sur nous un regard souvent bien plus lucide que le nôtre...

... être amoureux c'est s'offusquer de tout ce qui n'est pas flatteur, c'est refuser tout ce qui n'est pas un compliment, occulter tous les mauvais côtés, tout ce qui ne nous donne pas la vision idéale de nous-même que nous rêvons d'avoir.

S'aimer en amis, c'est avancer ensemble, forts de cette symbiose, sur la route de la connaissance de soi et de l'autre, gravir le chemin vers le sommet bien plus efficacement que tout seul, se faire soutenir par l'autre lorsque l'on sent que l'on pourrait trébucher...

... trébucher en tombant amoureux, par exemple, de lui ou d'un autre.

Plus on a d'amis, plus forte est l'amitié, plus important est le soutien et moins grand le risque de retomber dans l'inconscient, de succomber à nos désirs enfouis.

Succomber au désir, rien de mal à ça, hein, entendons-nous bien. C'est bon de sentir son coeur battre, de céder aux émotions, de se sentir aimé, désiré par un autre (et réciproquement), surtout si cet autre nous aime pour ce que l'on est ! Savoir qu'il nous aime à ce point tout en nous connaissant parfaitement, quoi de plus beau ? de plus jouissif ?

Les désirs qu'il est préférable de calmer ce sont ceux qui nous sont dictés par autre chose que la recherche consciente du bonheur, parce que ces désirs là nous font prisonniers, nous attachent des oeillères et nous laissent tomber, un jour, en nous abandonnant face à la réalité et tout ce que ce choc comporte de souffrances. Lorsque l'amour est basé sur une illusion, le jour où il s'éteint c'est la fin de tout. L'écroulement total. La perte de tous les repères, le risque de se perdre soi-même, la certitude de souffrir énormément en tout cas. Les amoureux se maintiennent réciproquement dans l'illusion, l'illusion du bonheur, jusqu'au jour où les masques tombent, et là on comprend que cet amour ne nous a pas amenés au bonheur, mais bien, au contraire, à la douleur.

L'amitié, elle, est consciente, lucide, franche, source de bonheur, mais polyvalente aussi : elle peut s'accompagner de désir, de plaisir, d'émotions fortes... seulement attention à une chose : plus ce tourbillon d'émotions est puissant et plus il faut que l'amitié soit forte pour se maintenir à flanc de côteau. C'est un vrai sport. De l'escalade. De l'équilibrisme. Du jonglage aussi parfois.

Et moi qui ai peur du vide...

jeudi, 13 août 2009

Allumeurs !

Voui, bonjour messieurs, c’est bien de vous qu’il s’agit.

Voici, sous un titre accrocheur, la première leçon de choses que j’avais envie de vous proposer, quant à la meilleure compréhension de ce sexe, tantôt nommé faible, tantôt nommé féminin, bref, de ce sexe qui n’est pas le vôtre. Tss tss, bas les pattes ! Il s’agit de notions abstraites, uniquement…

Voilà bien le problème au fait : l’irrésistible, irrépressible et, disons-le, quasi-bestiale attirance que ce doux sexe vous inspire. On est d’accord, il arrive que cette attirance soit réciproque, et s’ensuit alors un moment bien agréable, partagé, revivifiant et bénéfique aux partenaires en question… mais ce n’est pas toujours le cas, loin s’en faut !

Brassens parlait de 95% de femmes qui s’emmerdent… les connaissances et la libération (relative) de notre époque autorisent à penser qu’elles sont sans doute, heureusement, aujourd’hui plus de 5% à prendre leur pied… mais, si ça se trouve… elles s’emmerdent tout autant ! Ben oui, c’est chouette la mécanique, ça marche pas mal, enfin il faut encore souvent se débrouiller un peu toute seule de son côté, mais c’est sympa quand même… ça passe le temps. Mais c’est pas ça qui nous fait courir, nous.

Certes, grâce à cette évolution féminine, ils sont sans doute de moins en moins nombreux, les allumeurs du corps, qui vous donnent envie et puis vous laissent sur le bord du chemin, tiens t’as qu’à t’rhabiller toute seule quand t’auras fini, moi j’ai juste appris à dégrafer les soutifs d’une main… voilà voilà.

Mais cette population, heureusement sur le déclin, en cache une autre… les allumeurs du reste, les grands innocents qui n’ont jamais appris ce qui se cache derrière le soutien-gorge sus-nommé… mais non, pas seulement un sein : là, derrière ce sein… oui ! bravo monsieur à ma gauche : un cœur. Vous en avez un aussi, certes, il vous sert également, on ne le niera pas, ne soyons pas misoandres (tiens ? ce mot n’existe pas ? bizarre…), vous progressez dans ce domaine, c’est certain. Vous assumez de mieux en mieux votre part « féminine ». Bravo bravo. Mais il n’a pas l’air relié de la même façon que chez nous avec votre cerveau et votre engin là, en bas, si ? Y’a des problèmes de connexion, parfois, non ? chais pas, des courts-circuits ou des bugs, pour parler un peu mécanique ?

Bon, d’accord, admettons-le de manière bien fair-play, c’est sans doute normal pour vous, étalons procréateurs de métier, d’avoir des facilités à passer à l’état d’excitation virile, quelles que soient les circonstances, les personnes, l’atmosphère… mais c’est là que le bats blesse : ce qui est normal pour vous, soit, acceptons le, mais j’ai le devoir de vous informer que ce n’est pas la norme universelle.

Pour vous, la moindre donzelle qui vous aura fait un clin d’œil et n’aura pas assumé les suites de son acte sera traitée d’allumeuse, sans besoin d’autre justification. Soit.

Eh bien pour nous, les 50 et quelques autres pour cent du globe, c’est en toute justice aussi que nous avons le droit de traiter d’allumeur tout mâle séduisant, roulant des mécaniques, se montrant sous son jour le plus flatteur, et qui nous laissera au bout d’un temps variable le cœur gonflé d’amour sans plus rien pour l’enlacer. Je vois bien que vous commencez à vous échauffer, c’est toujours la même chose, mais qu’est-ce qu’elles veulent à la fin ces gonzesses ? oui, même vous, monsieur, là, à ma gauche, vous n’y comprenez mie… ce n’est pourtant pas très compliqué : il est beau, ah ça oui, le jeu de la séduction, il marche assez bien, on se fait tout beau, on cache ses défauts sous le revers du manteau, parfait. On sait tous et toutes à peu près faire… mais si seulement on jouait au même jeu ! Celui avec qui on gagne la partie, nous les filles, ce n’est pas celui qui est le plus performant sous les draps : c’est celui qui nous AIME ! Voilà, le mot est lâché, ce n’est pas pour la culbute que l’on participe, nous, c’est pour être aimées, chéries, cajolées.

Mais ne partez pas de suite en grommelant, personne ne vous parle mariage, bijoux, amour éternel, et encore moins fidélité. C’est simplement que, nos règles du jeu à nous, ce ne sont pas celles de la partie de jambes-en-l’air (enfin, parfois, bien sûr, mais la plupart du temps c’est uniquement un bonus, le jackpot de la fin, la petite cerise sur le gâteau, qu’on aime croquer une fois que l’on s’est délectées du reste), ce sont celles de la partie de franc-jeu, les yeux dans les yeux, vos mains sur notre peau, nos âmes en face à face. Et pour notre plus grand malheur, ce jeu prend plus de temps que le vôtre, d'où les "game-over" anticipés que nous nous prenons régulièrement dans les dents.

Mais pas de lézard. Il se peut très bien que la partie soit courte, qu’on ne s’y plaise pas, qu’elle soit intermittente aussi parfois. Et alors ? Ca ne fait rien, l’important c’est d’essayer. Peu importent le rythme, la fréquence, la longueur ou encore l’exclusivité des échanges, ce qui compte c’est leur sincérité. Je parie toutes mes petites culottes que la plupart des femmes préfèreront mille fois un homme qui leur dise franchement ce qu’il pense d’elles, qui ne leur promettra pas monts et merveilles, mais qui saura tendre son épaule au moment où elles en ont besoin. Comment dites-vous ? Un ami ? Mais oui, c’est ça ! C’est exactement ça : un ami, avec tous les défauts de la terre si ça se trouve, coureur, frimeur, égoïste pourquoi pas, mais en qui on pourra avoir confiance, contre qui on pourra se blottir certains soirs d’hiver.

Allez, parlons franchement : combien sommes-nous, mesdames, à nous plier à la norme de la vision masculine : "tout câlin commencé ne saurait que très rarement se finir sans accouplement" ?… Et après l’accouplement, plus de place à la passion, juste le temps de la fatigue. Ron-pschi. Et plus ça va, plus on passe vite aux choses sérieuses, moins on prend le temps de cheminer sur les rives de la tendresse, des caresses, des regards, plus on se fait arnaquer quoi. Plus ça va, plus on a envie de crier « petit allumeur ! ». Avouez, les copines, combien êtes-vous à accepter l’acte sexuel uniquement pour les bribes de tendresse qu’il vous procure ? Combien de fois sur cent préfèreriez-vous un échange de caresses et de baisers enlacés, plutôt que tout le bastringue ? Et combien de fois êtes-vous restées sur votre faim ? Je parle de votre faim de douceur.

Alors parce que la libido des hommes est plus musclée que la nôtre, on devrait se sacrifier sans cesse pour leur bon plaisir ? Je ne dis pas, pourquoi pas, on peut faire des efforts, aller dans leur direction, mais seulement s’ils en font aussi ! Nous c’est notre cœur qui est plus gros, notre peau qui est beaucoup plus assoiffée que la vôtre, et c’est quand que vous y pensez ? C’est quand que vous faites un effort ? Oui oui, les petits massages, parfois vous avez la gentillesse de nous en proposer, avec un joli sourire. Mais c’est quand qu’ils sont gratuits ?! Elle tombe très vite, la note, et elle est parfois salée.

Même si ce n’est que de temps en temps, nous on veut des moments où on peut savoir qu’on n’attend rien de nous. Le flirt, réhabilitons le flirt ! A mon avis, vous serez étonnés, les gars, de voir que les filles peuvent être demandeuses de câlins, si on leur laisse le temps.

Voilà, vous êtes prévenus, désormais c’est comme ça, dommage pour vous mais la maison ne fait plus crédit : vous, vous payez d’avance. Et cash. On vous a trop longtemps autorisé l’ardoise, à vous de faire un petit geste. La période de transition sera sans doute un peu brouillonne, mais vous verrez, on peut jouer le même jeu, dès lors que vous êtes un peu patients et que vous passez par la case tendresse, avec en main les cartes de la sincérité et de l’honnêteté. C’est donnant-donnant, bien sûr. Et puis ça donne l’occasion de parler, de savoir ce que l’autre aime, ce dont il a envie. On lit la notice avant de monter, s’il vous plait…

Et vous les nanas, mettez-y du vôtre aussi, arrêtez de vouloir à tout prix être « sexys » ! comme si tout ce que vous cherchiez c’était à éveiller l’intérêt sexuel… allez, dites-le que ce que vous tentez pitoyablement, en mettant en avant lèvres et poitrine pulpeuses, c’est juste à être, hum, tendressy… beurk, c’est moche. Euh… un aimant à tendresse ? un doudou à cajoler ? une fascinante personne à dévorer du regard sans pouvoir s’arrêter… ohla, n’en demandez pas trop non plus…

L'essentiel à savoir, donc, si l'on devait résumer ce fouillis, serait que les femmes se sentent aimées par la tendresse, et que les hommes, eux, se sentent aimés par le désir... quand on sait que les preuves d'amour de l'autre sont différentes des nôtres, déjà on s'affole moins, on ne se pense plus délaissé si l'on manque de tendresse (pour une femme) ou de "sesque" (pour un homme), et on peut faire un pas vers l'autre en parlant son langage à lui...

Allez, faisons un essai : et si, à partir de maintenant, les galipettes n’étaient plus QUE sur demande expresse féminine ? Si ces messieurs n’étaient plus du tout entreprenants ? juste aimants… qu’est-ce qui se passerait ? Les poules auraient des dents ? peut-être… Mon petit doigt me dit que les câlins seraient surtout bien plus spontanés, désirés, sincères (et du coup flatteurs) et agréables pour tout le monde… et peut-être pas bien moins nombreux qu’aujourd’hui… qui sait ?

Celui qui essaie.

Et puis si aucun des deux n’en a envie, ce n’est pas un drame, il y a des tas d’autres choses qu’on peut faire à deux, même de sexes opposés.

Je vous le promets.

Essayez.

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