"La mort de l"ours", c'est une très belle chanson que je chante à mes mômes le soir (je sais, je suis une mère cauchemardesque !), et, pire encore (si c'est possible), "Heureux qui comme Ulysse" c'est le film que je leur ai fait regarder hier.

C'est les vacances oui ou m... ?

C'est le film qui m'a le plus bouleversée de toute mon enfance, et je crains que ça n'ait été contagieux hier soir. Quand, au début de la corrida (oui, si vous n'avez jamais vu Ulysse, pas la peine de lire, ça ne vous dira rien), j'ai commencé à avoir des sanglots tellement insurmontables que ça remuait mon petit dernier, 5 ans, calé sur moi, il y a eu comme une explosion de pleurs. On a fini tous les quatre le nez bouché et les yeux rougis quasiment mi-clos...

C'est une très belle métaphore sur la fin de vie, sur le parcours même d'une vie, les bilans, les "morales" qu'on peut en tirer quand on regarde en arrière.

C'est, à y bien regarder (posément, une fois les yeux rouverts après une bonne nuit de sommeil), un hymne exalté à la liberté, à la vie en toute liberté, qu'elle soit de l'homme qui ne s'est pas marié et ne le regrette pas, ou du cheval, qui va finir son existence paisible au milieu des siens, non reconnaissable, fondu dans le nombre, libre et heureux.

Ulysse a quel âge ? Il est "né" en 1970, il a été le baroud d'honneur de Fernandel, son dernier film, un road-movie qui a la saveur de la sagesse, de la transmission de cette sagesse aux plus jeunes générations. Il a, ce qui n'est pas fait pour me déplaire, été mis en musique par le grand Georges Brassens, c'est une belle équipe que voilà, trois vieux chevaux qu'on a envie de voir encore longtemps vivre paisiblement dans leur Camargue chérie. Avant de rejoindre les bras de la Camarde.

Leur vieillesse est belle, elle est forte et pleine de vie, elle montre la valeur des ans et nous ferait oublier pour un instant la vanité de la société jeuniste dans laquelle on vit.

Mais voilà, on revient sur terre.

La terre camargaise est-elle toujours terre d'accueil pour nos vieux os ? Je ne sais pas, je ne la connais pas, il doivent être bien rares les paradis sur terre aujourd'hui... à moins d'être fiscaux. Mais une chose est sûre : le monde actuel est un obstacle majeur à cette vie en liberté.

Ulysse, aujourd'hui, comme tous les chevaux, aurait une puce, il serait reconnaissable entre tous, et par là expulsable de son paradis terrestre, intrus parmi le troupeau bien identifié : la horde n'est plus sauvage.

Et nous ? pucés tout pareil.

Pour votre sécurité m'sieurs-dames.

Et si moi je préfère la liberté ? quitte à être moins bien soignée, moins bien surveillée. De toute façon, pour mes derniers instants, pour ma mort, je serai seule, elle me fera une belle jambe votre sécurité ! Nous sommes si peu de choses, arrêtons de nous croire si importants, vivons un peu avant que de mourir.

Benjamin Franklin a dit "un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux".

Dépêchez-vous de choisir !