Quand Walt Disney commence à me plaire…




Un mercredi, une séance ciné avec les enfants… et contre toute attente une bonne surprise.

Je crois, mais je peux me tromper, ma culture Disneyesque (ou assimilée) n’étant pas (encore) exhaustive, enfin bon je crois disais-je que c’est la première fois que je vois, dans un dessin animé (mais les films ne valent souvent pas mieux), une histoire de rencontre qui ne commence pas sur le mode amoureux… et ça réveille en moi l’envie d’un article que je mijotais depuis longtemps (et qui sera en ligne dès que mon fournisseur se donnera un peu de mal…hého, la page blanche, t’as pas fini de t’incruster ?!), donc allons-y gaiement !

Voilà, non seulement « la Princesse et la Grenouille» se passe en Louisiane, à la Nouvelle Orléans, mais en plus la princesse y est noire, et, comble du bonheur, elle ne tombe pas du tout amoureuse du Prince Charmant !! et réciproquement. Enfin, pas au début…

Leurs premières rencontres sont distantes, le Prince ne plaît vraisemblablement pas à Tiana, pas assez sérieux, pas bosseur pour un sou, rien du tout, il a beau être bien beau avec ses yeux noisette, il ne lui fait pas d’effet, mais alors pas le moindre.

Lui, il la drague, comme il les drague toutes, mais sans plus, sans le cœur qui bat la chamade, les cœurs qui éclatent tout autour d’eux, les petits angelots et leurs fléchettes... La vie, quoi. La rencontre banale entre deux êtres, un homme et une femme, qui n’ont pas spécialement envie de se connaître.




Parce que se connaître, pour un homme et une femme, ça veut dire s'engager ou pas. Se faire avoir ou pas. Perdre sa liberté ou pas. Avoir les coudées franches ou pas. Vivre ou suivre. De toute façon, être dans un rapport de forces.

Ou alors t'es vraiment pas un homme si tu la dragues pas.

Et t'es vraiment pas une femme si tu lui plais pas.




Ce qui les retient donc c’est les apparences, leur physique, leurs genres, leurs castes sociales aussi, leurs personnalités enfin, ou plutôt ce qui peut se « deviner » (à tort ou à raison) de leurs personnalités, dans le cadre que la société fournit à leur apparence… la société qui lui dit à elle de prendre garde (même t’il faudra s’y plier un jour, désolée ma p’tite) et à lui de ne pas se laisser passer la corde au cou (mais idem pour toi mon coco).

Mais comment on fait ? Quels sacrifices il faut s’imposer pour passer cette barrière, se jeter dans le monde obligé de la vie de couple, de famille, de convenances ! Tout nous en repousse, les hommes comme les femmes, mais on y va quand même… la pub, c'que c’est efficace, on peut pas dire.

Les voilà donc qui s’éloignent, lui rattrapé par son destin de Prince Charmant, qu’il voulait pourtant éviter (mais le poids de la société, les billets verts, la véritable magie noire qu’exercent sur nous nos congénères, tout cela s’en mêle et là, tu peux pas lutter), et elle qui continue son dur chemin, sa bataille pour vivre une vie honorable et libre, en étant une femme, et juste une femme, pas une femme de.

Vient ensuite (je ne vais pas tout vous dire, sinon tonton Disney ne me paiera pas ^^) LA rencontre, la vraie, la rencontre de PERSONNES, pas celle des apparences. Forcément, c’est pas facile de se fier aux apparences quand on est devenu batracien. Et pour cette rencontre là, oh joie, ô bonheur, la Tiana n’est PAS DU TOUT attirée par le Prince ! Ah bonne mère, on va peut-être enfin pouvoir parler d'autre chose !

C’est pas le coup de foudre quoi, elle se force à l’embrasser parce qu’il faut l’aider, bon d’accord, gentille fille, mais après on est compagnons de galère, amis pourquoi pas, mais à égalité, de grenouille à grenouille, tu vaux pas plus que moi, j’ai pas à te servir, toi t’as pas à me protéger, on reste soi-même et pis voilà, si ça te plaît pas salut.

Et dans ce monde là, dans les marais puants du bayou, au milieu de tous les rebuts de la société, là on peut être soi-même, on peut être maître de son destin, qu’on soit homme ou femme, grenouille ou grenouille.

Et on peut se rencontrer, se connaître, s’apprécier ou non, de personne à personne, d’être à être, franchement, ouvertement, sans sous-entendus. Ensuite on verra, ensuite si on a envie de se serrer dans les bras on le fera, et pourquoi pas puisque rien ne nous y oblige ? ni ne nous y destine, ne nous y condamne. C’est par envie, par choix, librement, que l’on s’unit ou pas.

Bon, je dois vous le dire, au risque de vous attrister : après ça, revient le poids de la société... et comment on va faire si on ne peut plus jamais revoir papa et maman, qui ne sont pas grenouilles ? et on sera triste si on ne revoit pas nos amis du monde terre-à-terre, on ne pourra jamais être heureux au milieu des moustiques, de la vase, des crocodiles, des lucioles édentées, dans le monde libre mais isolé de l’utopie. Hein ?

Ouais, t'as raison, on doit, on ne peut pas faire autrement, rejoindre un jour notre destin. On n’est pas chez Shrek où on peut rester ogre toute sa vie dans un monde d’humains, non là c’est Disney, faut pas déconner, il nous fait les froufrous, les sourires pleins de dents, les yeux qui mangent le visage… et voilà, le mariage, les enfants, elle qui cuisine, lui aussi, bon d’accord, mais ainsi va la vie chez tonton Walt.

Mais ça m’aura donné l’occasion de profiter de cette belle métaphore marécageuse.

Et au fait, notre vraie vie à nous, c’est le château tout rose ? ou on essaie d’en construire un autre ? ou de s'échapper dans la forêt ? comme "La Petite Fille dans la Forêt des Contes" de Pierre Péju...

Vous en pensez quoi, vous ?

PS C’est pas de la bave… c’est du mucus !!